Stratégie

Du réel et du virtuel

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2015 - 696 mots

Le Centre Pompidou annonce de grands projets séduisants.

PARIS - Sur le papier, le grand « cadre stratégique » que le président du Centre Pompidou, Alain Seban, a dévoilé le 24 octobre est galvanisant. Le projet articulé en quatre priorités naît du constat des forces et faiblesses d’une institution trentenaire. L’image du grand pétrolier est brouillée, les liens entre les différents départements flous, la réactivité insuffisante et la rupture avec l’art actuel quasi consommée.
L’idée première consiste donc à clarifier l’offre. Alain Seban souhaite que le Centre Pompidou se concentre sur les expositions de concept et d’histoire de l’art conçues dans un esprit pluridisciplinaire. Les monographies d’artistes vivants français et étrangers et le design prendraient place, quant à eux, dans l’antenne du Palais de Tokyo, baptisée Centre Pompidou-Alma, et dont l’ouverture est prévue en 2010. Néanmoins, le silence du ministère de la Culture sur l’avenir de ce site, dédié partiellement à la promotion de la scène française, est assourdissant. Difficile de savoir si le mutisme de la Rue de Valois masque un étalement budgétaire – le coût des travaux étant chiffré autour de 35 millions d’euros – ou le discrédit d’un projet pourtant nécessaire pour la scène hexagonale. « Je suis confiant sur le fait que le Centre Pompidou-Alma se fera, assure Alain Seban. Il répond à des besoins et des attentes. C’est un projet solide qui ne crée pas un acteur nouveau. Il se fera, car l’État ne peut laisser indéfiniment 9 000 m2 en friches au cœur de Paris. » En attendant un arbitrage qui tarde à venir, Alain Seban entend modifier l’offre dans le site de Beaubourg en fonction de cette ouverture. La galerie Sud et l’espace 315 deviendront un espace permanent d’actualité où prendra place, dès 2009, un Festival de l’actualité de la création en France et dans le monde.
L’enjeu mondial, puisque l’on en parle, ne laisse pas indifférent le Centre Pompidou, qui vient de se doter d’une société d’amis japonaise. L’optique est de créer une implantation hors de l’Hexagone, peut-être en Chine si le processus se débloque, mais aussi de développer un partenariat durable avec un grand musée américain. En 2010, Alain Seban prévoit enfin une grande exposition consacrée à l’Inde sur le modèle ping-pong des « Paris-Moscou », « Paris-Berlin » en vue de « tisser des liens durables entre les scènes française et indienne ».
Cette idée centrifuge se retrouve aussi dans un effort de décentralisation. À l’occasion de l’ouverture du Centre Pompidou-Metz en 2009, Beaubourg lancera le Centre Pompidou mobile, structure d’exposition de 800 m2 démontable, laquelle circulera en région selon trois à quatre étapes. Les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) sont, d’ailleurs, invités à présenter leurs œuvres au sein de cette structure en dialogue avec les collections de Beaubourg.
Pour développer son public, l’institution compte enfin développer le Centre Pompidou virtuel. « Ce ne sera pas un musée virtuel. On souhaite s’appuyer sur notre collection numérique pour offrir aux internautes un accès ouvert, fluide, à l’ensemble des activités du Centre Pompidou. Un magazine vidéo interactif servira de point d’entrée », précise Alain Seban. Dans sa quête de nouveaux publics, Beaubourg prévoit enfin un espace spécifique pour les adolescents, sans doute au sous-sol du Forum.
Tous ces projets, surtout celui du numérique, exigent des financements importants dont le Centre n’est pas pourvu. Ne serait-ce que lui, le mobile nécessite un budget de 2 à 3 millions d’euros pour sa construction. Cette annonce propitiatoire a-t-elle pour volonté d’attirer des partenaires privés encore peu engagés dans Beaubourg ? Sur cette année, le Centre n’a ainsi « levé » que 750 000 euros de mécénat et ne dispose que de 25 % de recettes propres contre 40 % pour le Musée du Louvre. « Le Centre Pompidou s’est échiné pendant des années à demander des moyens sans les obtenir. Il fallait inverser le sens de la vapeur. On va être séduisant, convainquant, attractif et par la force des propositions, nous allons dégager des financements, assure Agnès Saal, la nouvelle directrice administrative du Centre. On espère dans six mois rendre compte, dresser un bilan. On ne souhaite pas faire des annonces et donner rendez-vous dans cinq ans. » Outre l’inconnue financière, se posent toutefois des questions de définition. Qu’entend-on par « création actuelle » ou « exposition de concept » ? Enfin, quelle sera la marge de manœuvre des conservateurs dans la programmation ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : Du réel et du virtuel

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