Les arts visuels chassés des télévisions

Divorce à l’italienne

Italie

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 612 mots

Les chaînes publiques et privées négligent les arts plastiques. L’arrivée au pouvoir du nouveau Premier ministre ne semble pas devoir améliorer la situation.

TURIN - La nomination de Silvio Berlusconi au poste de Premier ministre ne semble pas annoncer une amélioration du sort réservé à l’art par la télévision de la Péninsule. En effet, les chaînes de "Sua Emittenza" ont le même désintérêt que la télévision publique à l’égard de l’art. Si la Fininvest, le groupe de Berlusconi, consacre des reportages aux grandes expositions – rappelons, par exemple, ceux sur la rétrospective Francis Bacon à la Biennale de Venise en 1993 –, elle produit peu d’émissions spécialisées. Vittorio Sgarbi lui-même, collaborateur de Canale 5, la chaîne-phare de Berlusconi, sacrifie son militantisme de critique d’art sur l’autel d’une science empirique aux confins de la politique et des faits de société.

L’avenir ne semble pas non plus favorable à la survie de la seule chaîne culturelle possédée par la Fininvest, "Tele 3", créée sur le modèle d’Arte. La loi Mammì, qui veut limiter le nombre de chaînes télévisées appartenant à un même groupe, pourrait avoir prochainement des répercussions sur les chaînes de la Fininvest. Tele 3 devrait figurer parmi les premières touchées. Programmant chaque jour des films d’essai, elle réserve généralement aux arts plastiques des plages horaires tardives où sont rediffusées des émissions anciennes, depuis une série de monographies consacrées à des artistes aussi connus que Velázquez, Titien, Picasso ou Warhol, jusqu’à des documentaires sur l’art contemporain qui remontent aux années 80.

Quelques documentaires
La télévision publique, la Rai, confine également les émissions culturelles à la programmation nocturne. À cet égard, le titre du magazine proposé par la troisième chaîne, qui se veut la chaîne culturelle de la télévision d’État, est très significatif : "Hors horaire". Il a diffusé récemment des émissions sur la collection d’art contemporain Terrae Motus, propriété du galeriste napolitain Lucio Amelio, et sur la collection d’art antique de Fabrizio Lemme.

Établir un panorama complet des activités de la Rai en matière d’art s’avère une entreprise désespérée pour deux raisons au moins. Premièrement, l’organisme chargé de la vérification des programmes n’a jamais effectué d’enquête exhaustive sur les émissions culturelles. Deuxièmement, la production de ces émissions reste sporadique et presque toujours liée à des initiatives individuelles, celles par exemple des réalisateurs Franco Simongini, Silvano Giannelli, Giorgio Punti et Alfredo di Laura. On doit à ces deux derniers des documentaires sur le pop art en Italie ou l’avant-garde du Gruppo 63, mais ces films furent réalisés dans les années 70, à l’époque du célèbre "Borromini" de Stefano Roncoroni.

Du côté des émissions régulières, il faut signaler les entretiens de Anna Zanoli, la série "Vus de près" des années 70 (Marino Marini, de Chirico, Manzù, Vespignani, Tommasi Ferroni, Annigoni), confiée à différents réalisateurs, ou celle, plus récente, sur "Les grandes expositions", diffusée le dimanche matin. D’autres émissions généralistes font parfois place à l’art, qu’elles abordent alors sous l’angle historique, comme la récente "Bell’Italia" de Vittorio Emiliani. Enfin, la troisième chaîne traite parfois des arts plastiques dans un programme consacré à l’enseignement et baptisé "Dipartimento scuola educazione" : il a proposé ainsi, en 1992 - 1993, un cycle sur l’enseignement dans les écoles des beaux-arts.

Malgré l’absence totale d’une politique cohérente sur les chaînes publiques, quelques documentaires ont été réalisés ces derniers temps à l’occasion d’événements ponctuels : les spectateurs ont eu droit à une émission sur le Louvre (Rai 3) et sur la restauration de la chapelle Sixtine (Rai 1).
Pour l’avenir, on peut fonder quelque espoir sur l’éventuelle création d’un ministère de la Culture qui se substituerait, selon certains projets de loi, au ministère des Biens culturels, et dont la tutelle s’étendrait aux médias.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Divorce à l’italienne

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