Art contemporain - Disparition

PHOTOGRAPHIE

Disparition de Claudio Abate, l’œil de l’Arte povera

Par Carole Blumenfeld · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2017 - 534 mots

Avec la mort de Claudio Abate le 3 août dernier, l’Italie perd un regard et un témoin à l’origine de clichés parmi les plus célèbres de l’art italien.

Italie. Il y a quelques mois, dans son atelier de San Lorenzo, passant en revue soixante ans de carrière, Claudio Abatte (1943-2017) nous confiait : « Qui aurait pu penser qu’ils allaient devenir un jour célèbres ? Quand je travaillais avec le vieux photographe qui ne faisait que des images de tableaux et de sculptures (un ami, comme Giorgio De Chirico chez qui Claudio Abate entre à 12 ans avant d’ouvrir à 15 ans son propre studio) j’ai compris que cela ne me plaisait plus. Le premier artiste avec lequel j’ai travaillé en 1959 était Mario Schifano. Quand il a vu que je commençais à m’intéresser à l’Arte povera, il ne m’a plus parlé. Il a eu l’impression que je l’avais trahi. » Une image incarne ce passage d’une génération à l’autre : à la Biennale de Venise en 1972, Gino De Dominicis se retourne au passage de Giorgio De Chirico qui sort, la mine fermée, du pavillon italien où il vient de voir Le Zodiaque ; c’est la rencontre entre les deux « monstres » sacrés de la scène artistique italienne.
 

Ami et portraitiste des artistes

« J’avais compris que quelque chose de nouveau était en train de naître. Ce groupe faisait partie d’un monde que je voulais suivre. » Abate réalise alors des milliers de clichés des artistes aux terrassés de café, dans les ateliers et les vernissages. Des performances éphémères, il tente de saisir ce qu’il appelle « une image symbole » : « C’est l’image qu’un artiste peut reconnaître comme son œuvre, dans laquelle il peut retrouver la totalité de son œuvre. Je crois qu’en vivant avec eux, ils m’ont donné comme une indication. C’était le cas par exemple avec Kounellis. En l’observant pendant des heures, j’ai compris qu’il voyait ses travaux d’un point de vue qui centralisait tout. » Certains ont toutefois regretté de s’être prêtés au jeu. « J’étais très ami avec Gino De Dominicis. Il venait tous les soirs chez moi et nous parlions jusqu’à 3 heures du matin. Mais après la Biennale de 1972, il a totalement changé. La participation du jeune homme atteint du syndrome de Down fut un grand scandale. À partir de ce moment, il est devenu vraiment un autre et il a commencé à détester les photographies. C’était comme s’il avait changé de religion. »

Claudio Abate conservait certes les images de Kounellis (20 000), Pino Pascali, Giulio Paolini, Fabio Mauri, Joseph Beuys, Cy Trombly, Jean Tinguely, Anselm Kiefer, Jan Fabre, Christian Boltanski, Nan Goldin ou Sol LeWitt, mais il avait aussi quelque 6 000 clichés des chantiers du théâtre italien de l’après-guerre qui documentent entre autres les recherches de Carmelo Bene. D’autres clichés inédits témoignent de ce besoin constant d’immortaliser « les prémices de quelque chose ». En 1991, Claudio Abate se rend ainsi à Moscou pour immortaliser l’exposition Kounellis à la Galerie Tretiakov. Sur l’invitation de Paolo Sprovieri, Abate retourne trois fois en Russie pour photographier les ateliers des peintres confirmés tels Chuikov ou Monastyrskij, mais surtout la jeune garde, Pavel Pepperstein et Aidan Salakhova en tête. Des photographies inédites comme des milliers d’autres…

 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : Disparition de Claudio Abate, l’œil de l’Arte povera

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