Cuba si, argent no !

Le système D permet de pallier le manque de subsides

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 760 mots

Les artistes importants ne manquent pas à Cuba, mais l’île connaît quelques difficultés pour entretenir les institutions culturelles existantes. Place à la débrouille.

CUBA - Cuba n’a jamais été à court de talents créateurs, mais a toujours peiné à les entretenir. Ainsi, une infrastructure officielle pour les arts, qui avait vu le jour au cours des années soixante-dix et s’inspirait de l’Institut Supérieur des Arts (ISA), fondé en 1975, n’a pu fonctionner en raison des crises économiques, le gouvernement se trouvant dans l’incapacité de financer les institutions existantes.
Les Cubains ont donc pu profiter d’une certaine latitude dans la recherche de fonds. Ceci apparaît très nettement à la Biennale de La Havane, principale vitrine pour l’art des pays en voie de développement. Créée en 1985 et organisée par le Centro Wifredo Lam – l’institution officielle pour l’art contemporain dirigée par Llilian Llanes, d’origine argentine –, la Biennale de La Havane se voulait impartiale, tout en servant de rampe de lancement aux artistes cubains qu’elle propulsait sur le marché international. Pour ses deux dernières éditions, les organisateurs ont dû trouver un soutien financier international.

D’un point de vue artistique, le message de la Biennale 1997 était clair. Cuba était représentée par un jeune artiste de vingt-sept ans connu sous le nom de Kcho (Alexis Leyva). Ce choix peut paraître surprenant, étant donné que ses radeaux fabriqués à partir de bois récupérés font allusion à l’émigration massive par voie de mer du début des années quatre-vingt-dix. L’intérêt manifesté par une délégation américaine de conservateurs lui a valu sa première grande exposition individuelle à l’étranger en janvier, au MoCa de Los Angeles. Son travail sera également présenté du 7 août au 1er novembre à la National Gallery of Canada, à Ottawa, dans l’exposition collective “Crossings”, et du 26 septembre au 5 janvier, dans le cadre de l’exposition d’art cubain contemporain de l’Arizona State University Art Museum.

Los Carpinteros est un trio de jeunes artistes composé d’Alexandre Arrechea, Dagoberto Rodriguez et Marco Castillo, consacrés depuis leur passage à la Biennale de La Havane. Leurs installations, alliant objets ménagers et objets artisanaux de la meilleure facture, interrogent la coexistence de l’art et de la vie quotidienne. Leur première grande exposition individuelle se tient au Nouveau Musée d’art contemporain, à New York, jusqu’au 20 septembre.

Le Centre Lam dépense une énergie considérable pour promouvoir l’art cubain à l’étranger, mais cela ne l’empêche pas d’abriter une magnifique collection d’art contemporain asiatique, africain et latino-américain, ainsi qu’une gravure de Wifredo Lam, dont l’œuvre est conservée pour l’essentiel au Musée national.

Une fondation Ludwig
La Fundación de Cuba Ludwig joue un rôle majeur dans la percée de l’art cubain. Elle a été fondée par Peter Ludwig, mécène allemand du Musée Ludwig à Cologne et célèbre pour ses positions anticommunistes. Elle organise et assure le suivi d’expositions à Cuba et à l’étranger, et possède une collection exposée en permanence dans un appartement de La Havane, où figurent des œuvres de Tonel, commissaire de nombreuses expositions de la fondation, mais aussi de Sandra Ramos et Esterio Segura.

Artistes, critiques et professeurs se sont lancés dans l’organisation de leurs propres expositions, qu’ils présentent dans des appartements privés. L’un des derniers projets du genre a été mis sur pied par l’artiste René Rodriguez Fernandez, également professeur à l’ISA, en collaboration avec les plus grands conservateurs cubains du moment, tels Gerardo Mosquera – expert mondial de Wifredo Lam, conservateur au Nouveau Musée de New York, et commissaire de la récente Biennale de Johannesburg –, ou Eugenio Valdes, l’étoile montante de la jeune génération.

Ce projet, qui a pour vocation d’exposer les diplômés sortants de l’ISA, contribuera à n’en pas douter à propulser la nouvelle vague de la création cubaine sur la scène internationale. Certains espaces, comme l’Espacio Aglutinador, créé il y a cinq ans par les artistes Sandra Ceballos et Ezequiel Suarez, commencent, avec difficulté, à exposer des artistes internationaux.

Le Musée national, fondé en 1913, est le reflet à la fois de l’héritage colonial de l’île et de sa scène artistique contemporaine. Fermé jusqu’à l’an 2000 pour rénovation, sa magnifique collection renferme des œuvres de Wifredo Lam et Amelia Pelaez, l’une des premières à avoir intégré au cubisme des formes et des couleurs locales.

Enfin, il suffit de sortir de la ville et de se rendre à Cuevas del Aguila, au Parque de Jaruco, pour admirer les “silhouettes” rituelles de femmes – inspirées des saintes locales – exécutées en 1981 par Ana Mendieta. Née à Cuba et exilée aux États-Unis, sa souffrance d’exilée et de femme est une métaphore saisissante de l’histoire de l’île.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Cuba si, argent no !

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