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Cheikh Nahyan ben Mubarak al-Nahyan : « Les malentendus avec le Louvre sont dissipés »

Ministre de la Culture des Émirats Arabes Unis (EAU)

Par Fabien Simode · Le Journal des Arts

Le 18 juin 2013 - 1172 mots

Le ministre de la Culture des Émirats arabes unis souhaite dissiper les malentendus avec le Musée du Louvre.

Sur l’île encore déserte de Saadiyat, à quelques kilomètres de la capitale des Émirats arabes unis, le chantier du futur Louvre-Abou Dhabi a enfin démarré pour une ouverture programmée à la fin de 2015. Premier projet d’un ensemble de plusieurs musées internationaux, dont le Guggenheim-Abou Dhabi, le Musée Cheikh Zayed, le Performing Art Center…, le « Louvre des sables » présente au public émirati, à quelques mètres du chantier et jusqu’au 20 juillet, ses premières acquisitions. Rencontré quelques jours après l’inauguration le 22 avril – en présence de la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti – de l’exposition « Naissance d’un musée » qui viendra à Paris à l’automne prochain, le Cheikh Nahyan ben Mubarak al-Nahyan, ministre de la Culture des Émirats, commente l’actualité.

Quelles sont, pour les Émirats arabes unis, les ambitions du futur Louvre-Abou Dhabi ?
Le Louvre Abou Dhabi est une initiative française. La France est reconnue dans le monde pour son rayonnement culturel, son histoire et  surtout, pour mettre en relation les uns et les autres. Les Émirats sont à la croisée entre l’Est et l’Ouest. Le fait d’avoir le Louvre ici nous ouvrira de nouveaux horizons. Le trésor de l’humanité est justement cette capacité à relier les hommes entre eux. Il y va donc de la responsabilité des gouvernements français et émiratis de contribuer à partager ce trésor. Et l’on fera en sorte que cette initiative soit accessible aux uns et aux autres. Mais ce partenariat est aussi l’occasion d’une très forte relation entre les Émirats et la France. Il a aussi encouragé d’autres grandes institutions à coopérer avec nous, ce qui nous a énormément touchés. La présence du Louvre, à Abou Dhabi, a incité d’autres musées à vouloir coopérer avec nous. Le Louvre-Abou Dhabi est un moyen exceptionnel pour apprendre à mieux nous connaître et nous respecter mutuellement.

Que pensez-vous de l’exposition « Naissance d’un musée » que vous présentez actuellement sur l’île de Saadiyat ? Êtes-vous satisfait de vos acquisitions et, par conséquent, de votre future collection ?
Cette collection appartient à tout le monde. Nous ne la considérons pas comme étant notre propriété. Elle doit nous aider à jeter les bases entre nos deux civilisations. Il est incroyable de voir les livres sacrés réunis tous ensemble dans cette exposition [dans la deuxième salle, une section du Coran, les sourates 78-114, est notamment présentée à côté d’un diptyque représentant des scènes de la vie du Christ, d’une figure Soninké du Mali et d’un Shiva indien en bronze du Xe siècle, ndlr]. Quelle image ! Quel symbole !

Pourquoi est-il important pour les Émirats de se doter d’une collection d’art « universelle » ?
C’est important car, comme je vous l’ai dit, cela doit contribuer à créer un climat de proximité avec les autres peuples. Cette collection doit nous aider à mieux nous comprendre. Elle sera ouverte à tout le monde et à toutes les nationalités.

Retard pris dans l’avancement du chantier du Louvre-Abou Dhabi, collection acquise au prix fort… Il semble que vous ne soyez pas pleinement satisfait de votre relation avec le Louvre ?
Nous sommes plus que satisfaits. La preuve, nous avons reçu la ministre de la Culture [Aurélie Filippetti] et le directeur du Louvre [Jean-Luc Martinez, ainsi que son prédécesseur, Henri Loyrette] en avril. Lorsque la crise financière a frappé, nous avons dû interrompre le contrat, et non l’arrêter puisqu’il était déjà attribué et que le travail était en cours. Je préfère que l’on constate ce qui est fait sur le terrain, qui est beaucoup plus parlant.
Il y a sûrement eu quelques malentendus. Mais ceux-ci sont dissipés maintenant. Le contrat est en route. Nous travaillons ensemble autour de ce projet sans se préoccuper de ce qui se dit ici ou là.

En France, l’annonce de la construction d’un Louvre des sables a été accompagnée d’une polémique. L’avez-vous entendue et comprise à l’époque ?
C’est la France ! Nous n’avons pas pris part au débat, mais, oui, nous l’avons comprise. Il y a différentes écoles de pensées et nous respectons cela. Il est important de savoir ce que les gens pensent de vous. Le monde est ainsi. La France est un grand pays : nombre d’idées nouvelles, parfois dérangeantes, sont nées en France, dans l’art, la philosophie, etc., et qui font maintenant partie de l’histoire de l’humanité. Le débat des idées fait partie de la culture française.

Dans le futur, conserverez-vous le nom du Louvre ?
Oui ! Bien entendu. C’est une relation sur le très long terme. Son nom ne peut être que bénéfique pour nous.

Pourquoi miser aujourd’hui sur le tourisme et la culture ?
Nous sommes une société ouverte et transparente. Les Émirats reçoivent des visiteurs venant de partout, et tout le monde est le bienvenu. Nous commerçons avec le monde entier et sommes une plaque tournante pour les transports et le commerce.
Aujourd’hui, nous préparons l’après-pétrole. D’autres pays se mettent à exploiter du gaz de schiste. On ne peut pas attendre d’être rattrapé par les événements ; il est essentiel de travailler à de nouvelles alternatives. Il est de notre devoir de maintenir la qualité de vie de notre peuple car nous sommes responsables du devenir des générations futures. Ainsi, nous investissons dans les transferts de technologies, l’éducation… Par exemple avec la Sorbonne, où nous participons à de nombreux programmes de recherches. Nous avons également établi le National Research Foundation et encourageons les universités à faire de la recherche dans tous les domaines : énergie, médecine, l’eau, les ressources, management, culture, etc. Toutes ces industries généreront des emplois.

Pourquoi avoir fait le choix d’investir dans des marques aussi prestigieuses que Le Louvre, la Sorbonne, le Guggenheim, le British Museum… au lieu de créer vos propres institutions, à l’instar du Qatar ?
Nous avons en effet choisi une autre stratégie en privilégiant l’expertise d’institutions qui ont pignon sur rue. C’est une manière de profiter, par là, de leur histoire et de leur culture, par exemple avec le Louvre. Nous avons invité des institutions aussi prestigieuses que La Sorbonne ou Le Louvre pour leur rayonnement international et parce qu’ils sont conscients de leur responsabilité envers toutes les sociétés du monde. Ces institutions doivent continuer à rayonner dans le monde et à construire des ponts entre les cultures. Nous ne faisons pas  semblant et disons clairement : ceci vient du Louvre et cela du Guggenheim.

À quoi ressemblera le district culturel de l’île de Saadiyat dans vingt ou trente ans ?
Nous espérons en faire un centre de référence dans le monde et permettre d’attirer de plus et plus de gens de cultures différentes, en développant l’entente entre les peuples. Par exemple, la ville de Florence en Italie, pourtant petite, est devenue La Mecque de l’art et de la culture. Nous espérons apporter autant : une culture de la compréhension entre les peuples.

Les différents musées de Saadiyat seront-ils terminés un jour ?
Oui ! Les contrats sont en route. Ils seront menés à bien et dans les délais.

Légende photo

Son Excellence Sheikh Nahyan bin Mubarak Al Nahyan, ministre de la Culture, de la Jeunesse et du Développement Social de la Fédération des Emirats Arabes Unis. Photo D.R.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Cheikh Nahyan ben Mubarak al-Nahyan : « Les malentendus avec le Louvre sont dissipés »

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