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Art et baby-sitting

NEW YORK / ETATS-UNIS

Une agence de garde d’enfants basée à New York embauche exclusivement des artistes. Elle leur assure un revenu, s’adapte à leur planning. Forte de son succès, elle a ouvert une école maternelle.

L'école maternelle de Brooklyn a animé un atelier inspiré des oeuvres de Yayoi Kusama.
L'école maternelle de Brooklyn a animé un atelier inspiré des oeuvres de Yayoi Kusama.
Photo Sitters Studio

New York. Ici des tableaux de maîtres sous la forme de coloriages, là des livres de contes pour enfants empilés près d’un équipement de photographe. Nichés dans le Lower Manhattan à New York, les bureaux du Sitters Studio sont à l’image de l’entreprise : à mi-chemin entre une remise de garderie et un atelier d’artiste. Car cette agence de baby-sitting n’est pas tout à fait comme les autres : peintres, photographes, chanteurs, danseurs et autres comédiens…, les baby-sitters sont tous des artistes. « On les appelle d’ailleurs “artisitters” », souligne Kristina Wilson, à l’origine du concept.

En 2006, entre deux auditions et pour payer ses factures, cette chanteuse formée à l’université de New York travaillait en tant qu’assistante pour la banque Morgan Stanley. « Beaucoup de mes collègues avaient des enfants et je les entendais souvent dire que c’était dur de trouver une bonne baby-sitter. J’avais beaucoup d’amis artistes rencontrés pendant mes études à New York, tous gentils, motivés et dynamiques. J’ai donc commencé à les recommander », se souvient cette trentenaire joviale.

Elle travaille aujourd’hui avec « une centaine d’artistes qui vont et viennent » en fonction de leurs projets, entre New York et Chicago où elle a grandi. « Le but, ce n’est pas qu’ils restent ici pendant dix ans. On espère qu’ils partiront vite parce que Broadway a appelé. Mais s’ils ont une opportunité et doivent partir en tournée, assurer un vernissage ou être sur un tournage pendant plusieurs mois, leur place est assurée à leur retour », garantit la fondatrice.

Après un recrutement rigoureux en six étapes, les « artisitters » sont répartis dans les familles à l’aide d’un logiciel en fonction de leurs disponibilités et de la demande. « Si les parents nous disent que leur enfant est intéressé par le ballet, on va envoyer un danseur », précise Kristina Wilson. Comme pour toute garde d’enfants, les « artisitters » travaillent à domicile, après l’école ou en soirée, mais aussi dans les hôtels pour les familles en voyage ou à l’occasion des séminaires d’entreprise.

« Ils apprennent les formes avec Yayoi Kusama »

Depuis 2010, Sitters Studio a même ouvert une école maternelle à Brooklyn qui accueille douze enfants âgés entre 2 et 4 ans du lundi au vendredi, pour 500 dollars par semaine – soit le double du tarif moyen new-yorkais. « Toutes les deux semaines, on prend une œuvre d’art célèbre et on l’utilise pour enseigner le programme aux enfants. Par exemple, ils apprennent les quatre saisons de l’année avec Vivaldi, les formes avec les œuvres de Yayoi Kusama ou les couleurs avec la comédie musicale Joseph and the Amazing Technicolor Dreamcoat. Ils font couler de la peinture sur des toiles immenses inspirées de Jackson Pollock », explique la chanteuse, dont le fils de 3 ans et demi vient de rejoindre l’école élémentaire.

« Certaines choses sont bien sûr assez basiques mais l’inspiration vient d’artistes comme Monet et pas d’un blog d’arts plastiques », insiste-t-elle. En fin d’année, les jeunes créateurs bénéficient même de leur propre exposition dans un café voisin. « On accroche leurs tableaux pendant deux semaines avec leur nom en dessous. On peut lire des choses comme : “Sans titre” ou “Chien toutou”, Nina, 2 ans », sourit la chanteuse. Concluant : « Après tout, un artiste est aussi passionné qu’un enfant. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : Art et baby-sitting

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