Architecture - Centre d'art

GESTION PUBLIQUE

Arc en rêve de nouveau pointé pour sa gestion défaillante

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2025 - 891 mots

Après le licenciement de l’ancien secrétaire général, c’est au tour de l’actuel directeur du centre d’architecture bordelais d’être épinglé pour des avantages indus.

Bordeaux. À peine remis de ses déboires avec son ancien secrétaire général, licencié pour faute grave en avril 2023, le centre d’architecture bordelais se retrouve une nouvelle fois dans le viseur des autorités. Avantages en nature, dépenses injustifiées, cadre budgétaire incomplet… Dans un rapport publié le 23 octobre, la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine relève de multiples dysfonctionnements dans la gestion financière d’Arc en rêve. Longtemps la Ville et la Métropole de Bordeaux, dont les subventions représentent près de 60 % de ses recettes annuelles, avaient soutenue l’association en maintenant le niveau de leur aide au fonctionnement en 2023 et 2024 malgré les malversations qu’elle avait subies en 2022 : un déficit réel de 800 000 euros et des détournements 40 000 euros sous la forme d’avances sur salaires et d’achats de biens.

Une gestion financière défaillante jusqu’en 2023

Deux anomalies budgétaires datant de 2021 ont particulièrement retenu l’attention de la chambre régionale des comptes. La première correspond aux indemnités de départ à la retraite de l’un des fondateurs de l’association, dont le montant « a été majoré, manifestement par erreur, de 40 % » ; de même, les indemnités de congés payés concomitantes étaient supérieures de 24 000 euros par rapport au montant figurant dans le décompte du cabinet d’experts-comptables qui travaillait alors pour le centre architectural. Cependant, « le cabinet conteste le calcul de la chambre », se défend François Brouat, le président d’Arc en rêve. « Nous allons demander un arbitrage à notre nouveau cabinet d’experts-comptables début 2026. »

Également dans le viseur de la chambre, la soirée « Merci », organisée dans le cadre du départ de la directrice et du directeur artistique de l’époque (les deux fondateurs de l’association), qui a coûté 45 000 euros. Un montant de 50 % supérieur à l’enveloppe approuvée par le conseil d’administration. « Certes, nous avons sous-estimé le prix des dispositifs audiovisuels, mais ce n’était pas une soirée anodine, argue François Brouat. Elle avait pour objectif de rendre hommage aux personnes qui ont pris part au projet depuis quarante ans, et personnellement, je ne regrette pas qu’on ait fait cette soirée. »

La chambre régionale des comptes dresse en outre un constat critique de l’absence de contrôle budgétaire et financier sur l’ensemble de la période 2019-2023. Les magistrats financiers estiment que le dérapage budgétaire de 2022 « n’a été rendu possible que par l’absence de dispositif de contrôle et plus globalement d’intérêt suffisant manifesté par la direction pour les questions financières ». Il aura fallu attendre mars 2023 pour que le conseil d’administration et la direction prennent la mesure de la situation. « L’ancien secrétaire général a tout fait pour ralentir le processus », se défend Fabrizio Gallanti, directeur d’Arc en rêve. « Il est vrai que nous aurions pu anticiper les choses dès décembre 2022 », admet-il cependant.

« Depuis la création d’Arc en rêve en 1980, nous étions restés sur une gestion très artisanale sans procédure particulière de contrôle interne », confie François Brouat. Le dérapage de 2022 a contribué à faire bouger les lignes : l’association a rendu un règlement administratif et financier en bonne et due forme en 2023. Concernant les ressources humaines, dont les « usages n’étaient pas tous compatibles avec notre convention collective et la réglementation » d’après le président d’Arc en rêve, de nouvelles procédures ont été mises en place en 2024.

Des déplacements personnels défrayés

L’amélioration du cadre financier de l’association en 2024 et le renforcement des procédures de contrôle interne n’ont pourtant pas empêché plusieurs irrégularités. Dans son rapport, la chambre révèle que Fabrizio Gallanti a bénéficié de nombreux avantages financiers depuis son arrivée en 2021. Entre 2021 et 2024, le directeur a payé ses déplacements fréquents vers sa résidence familiale au Québec avec l’une des cartes professionnelles de l’association. « Il disposait d’une carte bancaire dont il avait un usage libre, explique le président, et il s’est cru autorisé à utiliser cet argent pour ses déplacements personnels. » Au total, ce ne sont pas moins de 35 000 euros de frais d’avion qu’Arc en rêve a payés, auxquels s’ajoutent 5 000 euros de notes de taxi et d’Uber. Un avantage en nature au sens du Code du travail, rappelle la chambre régionale des comptes. Assurant avoir découvert cet abus d’usage lors de la publication du rapport de la chambre, la Ville et la Métropole ont demandé « un remboursement immédiat des sommes dépensées à des fins non professionnelles et une profonde évolution de la gouvernance de l’association, précisant en outre que Ville et Métropole se réservent la possibilité d’actionner toutes les suites administratives et judiciaires jugées nécessaires ». Contacté par le Journal des Arts, le directeur s’est dit « prêt à rembourser ces charges, sous la forme d’une saisie sur salaire par exemple ».

La juridiction rappelle aussi que Fabrizio Gallanti avait perçu une prime exceptionnelle de 3 000 euros en 2022, laquelle a depuis fait l’objet d’une reconnaissance de dette. D’autres dépenses, supérieures à 20 000 euros, ne sont par ailleurs pas suffisamment justifiées d’un point de vue comptable. Ce montant correspond à des avances que l’association a faites au directeur lors de son arrivée à Bordeaux, et dont une grande partie n’a pas encore été remboursée. Pour l’heure, seuls 6 900 euros ont fait l’objet d’une reconnaissance de dette.

« Tout est à refaire, il va falloir retrouver la confiance de nos financeurs », déplore François Brouat.

L'Entrepôt Lainé à Bordeaux, construit en 1822, héberge aujourd'hui le CAPC Musée d'art contemporain de Bordeaux et Arc en rêve - centre d'architecture. © Captaintapas, 2012, CC BY-SA 3.0
L'Entrepôt Lainé à Bordeaux, construit en 1822, héberge aujourd'hui le CAPC Musée d'art contemporain de Bordeaux et Arc en rêve - centre d'architecture.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : Arc en rêve de nouveau pointé pour sa gestion défaillante

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