Allemagne : la crise frappe la culture

Les Länder et les Villes peinent à soutenir les activités artistiques locales

Le Journal des Arts

Le 26 septembre 2003 - 739 mots

Malgré une longue tradition en Allemagne de soutien aux arts et à la culture, la crise économique actuelle menace la santé d’un système fondé sur la décentralisation. Les Länder et les Villes peinent aujourd’hui à soutenir les activités locales quand la politique du gouvernement Schröder vise surtout à favoriser la compétitivité des entreprises. Une réforme fiscale doit bientôt être soumise au vote du Parlement allemand, mais les avis divergent quant à ses conséquences sur le financement de la culture outre-Rhin.

BERLIN - L’attitude de l’Allemagne en matière de politique culturelle est paradoxale. Au niveau fédéral d’abord, le gouvernement du chancelier Schröder reste très attaché au maintien d’une politique culturelle affirmée. Elle est essentielle pour la perception que le pays a de lui-même. Ces dernières années, la République fédérale a créé deux organes publics dont la mission est de soutenir les arts et la culture : le Bundeskulturstiftung (Fondation culturelle fédérale) et le Haupstadtkulturfond (HKF), un organisme berlinois doté d’un budget annuel de 10 millions d’euros destinés au financement de projets artistiques et culturels indépendants dans la capitale. Au niveau régional ensuite, les Länder – les États fédérés – et les Villes sont financièrement responsables de 90 % de la culture au niveau local (musées, théâtres, opéras, salles de concert). Ce système remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’une décentralisation majeure avait suivi la chute du pouvoir nazi. La culture fait depuis partie des compétences des États fédérés, un choix dicté par la volonté d’éviter la création d’un organe central de propagande et de contrôle culturel.
Aujourd’hui, la capacité des Länder et des Villes à soutenir et promouvoir les activités culturelles est sérieusement remise en cause. Certaines salles de concerts et des musées sont menacés de fermeture. Ils disposent d’à peine assez d’argent pour couvrir leurs frais de fonctionnement et assurer leur programmation. Les Villes de Cologne, Hambourg, Weimar, Berlin et même Munich sont confrontées à des difficultés financières, aggravées par la baisse notable des crédits provenant du mécénat, conséquence directe de la récession actuelle.
Martin Roth, président du Deutsches Museumsbund (l’Association des musées allemands) et directeur général des Staatliche Kunstsammlungen à Dresde, ne se fait plus d’illusion : “La crise économique est une terrible menace pour les musées de la République fédérale d’Allemagne. Elle sape le consensus général sur les compétences des Länder et des municipalités en matière de patrimoine. En d’autres termes, des institutions qui ont été soutenues pendant des siècles par les fonds publics sont à présent en grand danger.”
De nombreuses municipalités ont adopté une politique populiste. La Ville de Cologne, par exemple, a annoncé des réductions de budget de 7,8 millions d’euros alors qu’elle investit 100 millions d’euros dans la construction d’un nouveau stade.
Réforme, restructuration, réduction, tels sont les mots d’ordre de la politique culturelle allemande. Le gouvernement a mis en place une commission d’enquête sur l’état de la culture en Allemagne. Cet été a été marqué par le projet de réforme fiscale, qui devrait entrer en vigueur en 2004. En 2000, le premier gouvernement Schröder s’était empressé de faire adopter un lot de réformes visant à alléger le poids fiscal des entreprises, de manière à améliorer la compétitivité de l’Allemagne sur le plan international. Ces réformes ont affecté les budgets locaux et régionaux, ainsi que le système de la sécurité sociale, l’enseignement et la culture, qui ont vu leurs crédits baisser. Le projet de réforme fiscale de 2004 a pris en considération la situation économique au niveau régional et municipal, et a introduit de nouvelles mesures. Une série d’avantages fiscaux ont ainsi été annulés et des prélèvements sur les classes professionnelles ont été fixés, ce qui devrait en théorie bénéficier aux budgets des autorités locales. Les débats font toujours rage, et le sort de ces réformes sera prochainement voté par le Bundestag – la chambre basse – et le Bundesrat, la chambre haute formée par les représentants des Länder.
Hans Eichel, le ministre des Finances, a promis aux autorités locales des crédits supplémentaires importants : 4,5 milliards d’euros en plus pour l’année fiscale 2005, et 5 milliards par la suite. Mais un nombre grandissant d’économistes contestent ces chiffres et les prévisions liées au projet de réforme fiscale, les qualifiant de nuisibles et d’inutiles sur le long terme. Ces versements auraient également des conséquences néfastes sur les fonds réservés à la santé et la sécurité sociale. Mais, si cette réforme permet d’améliorer les finances locales, la culture en sera l’heureuse bénéficiaire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°177 du 26 septembre 2003, avec le titre suivant : Allemagne : la crise frappe la culture

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