Un appel international pour sauver les fresques de Giotto menacées par un programme immobilier

Par Chloé Da Fonseca · lejournaldesarts.fr

Le 17 février 2012 - 533 mots

PADOUE (ITALIE) [17.02.12] – Des historiens italiens s’opposent au projet immobilier prévu à proximité de l’église de l’Arena qui abrite un des cycles de fresques les plus importants de Giotto. Si les autorités locales estiment qu’il n’y a aucun risque pour l’édifice du XIVe siècle, le monde culturel proteste et tente de sensibiliser la population. PAR CHLOÉ DA FONSECA

Sur Quotidiano.net, le chroniqueur Achille Scalabrin débute son pamphlet ainsi : « La destruction de l’art ancien au nom de la culture moderne n’est pas une opération nouvelle. Les dégâts du modernisme ont lieu depuis des décennies sous les yeux des italiens, au point que l’on pourrait organiser un grand tour du massacre ». L’administration municipale de Padoue (au Nord du pays) va faire construire un auditorium et un immeuble de 104 mètres de haut à moins de 200 mètres de la petite église de l’Arena.

Cette église gothique, nommée également chapelle Scrovegni, du nom du commanditaire des décors, abrite l’un des trésors de l’art du Trecento, annonçant la Renaissance du siècle suivant. Giotto y réalisa au début du XIVe siècle un cycle de fresques sur l’Ancien et le Nouveau Testaments ornant la totalité de l’intérieur de l’édifice.

Lancé par Chiara Frugoni, historienne de l’art, l’appel à pétition contre le projet immobilier explique les risques encourus par l’édifice médiéval. La situation hydrologique du terrain padouan est fragile. Les sous-sols des nouveaux immeubles seront en relation avec celui de la chapelle ; le chantier pourrait donc altérer la zone géologique autour de l’édifice et entraîner son effondrement.

Dans une lettre publiée le 2 février 2012, le maire de la ville, Flavio Zanonato, est d’accord avec « la nécessité absolue d’éviter toute action mettant en péril le chef-d’œuvre de Giotto. Par conséquent, avant de construire l’auditorium, nous avons demandé une étude sur la faisabilité du projet, considérant les risques pour la chapelle ». Dans leurs conclusions, les trois ingénieurs ont exclu la possibilité de risques pour l’édifice bien que les couches hydro-géologiques soient en relation directe. Ils prescrivent cependant d’employer certaines techniques de construction.

Mais les historiens réfutent les conclusions des experts. Selon eux, la construction d’un parking à proximité a déjà modifié l’absorption des eaux de pluie par le sol, menaçant l’église de l’Arena. Ils demandent au moins le renforcement des fondations de l’édifice gothique afin de minimiser les risques ; mais ils souhaitent surtout que la ville revoie ses plans. La pétition pour l’église et les fresques de Giotto a déjà fait le tour des médias italiens. Outre un site Internet dédié, la mobilisation grandit rapidement via Twitter et Facebook.

Ce cri de défense pour la chapelle Scrovegni interpelle également sur la question de la conservation et la protection des monuments d’importance historique nationale. Ni la chapelle ni le cycle de fresques de Giotto ne figurent sur les Listes du patrimoine mondial de l’Unesco. D’une importance capitale pour l’histoire de l’art occidental, ce décor est une des représentations les plus magistrales de la pré-Renaissance.

La pétition qui circule débat aussi de l’indifférence des autorités au sujet des sites historiques et veut sensibiliser la population à ce sujet. Dans sa lettre d’appel, Chiara Frugoni s’interroge et nous interroge : « Combien valent les fresques de Giotto comparées aux bénéfices qu’apporteront les nouveaux bâtiments ? » 

Légende des photos

Giotto di Bondone (1266–1337), Le Baiser de Judas, 1304-1306, fresque, 200 x 185 cm, chapelle Scrovegni, Padoue, Italie - source Wikimedia

La chapelle Scrovegni, Padoue, Italie - © photo Filippof - 2008 - Licence CC BY-SA 3.0 

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