Les artistes et musées, victimes collatérales du décret anti-immigration de Trump

Par Shahzad Abdul (correspondant à Washington) · lejournaldesarts.fr

Le 31 janvier 2017 - 533 mots

WASHINGTON (ETATS-UNIS) [31.01.17] - Donald Trump avait prévenu pendant sa campagne : l'effet de surprise sera une de ses armes. Des collines d'Hollywood aux musées de l'Amérique profonde, son interdiction sélective du territoire américain aux ressortissants de sept pays musulmans a pris de court de nombreux artistes et institutions.

Le décret, signé vendredi par le nouveau président américain, interdit pendant 90 jours aux citoyens d'Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen, d'entrer aux Etats-Unis, et bloque l'admission des réfugiés du monde entier.

Cas le plus emblématique des conséquences de la décision présidentielle, le cinéaste iranien Asghar Farhadi a décidé de ne pas se rendre à la 89e cérémonie des Oscars à Los Angeles, où son film Le Client est en lice pour le prix du meilleur film étranger. Le réalisateur, qui avait déjà remporté une statuette en 2012 pour La séparation, a dénoncé une situation « injuste » pour expliquer son refus de participer à la grand-messe du cinéma américain le 26 février. « Mon intention n'était pas de ne pas assister à la cérémonie ou de la boycotter », a écrit Asghar Farhadi. Mais « il semble maintenant que la possibilité même de ma présence soit soumise à des « si » et des « mais » et ce n'est pas acceptable pour moi, même si l'on venait à faire exception pour mon voyage ».

Au-delà du symbole Farhadi, les cas individuels d'artistes plus ou moins anonymes qui sont empêchés de se rendre aux Etats-Unis - ou d'en sortir par peur de ne pas pouvoir y revenir - se multiplient. A l'instar de l'Iranien Mohammad Aghebatian. Ce comédien, qui doit se produire dans le Hamlet version Waterwell, un théâtre new-yorkais, se trouve actuellement en Iran et ne sait pas s'il pourra revenir aux Etats-Unis pour jouer son rôle.

Les musées américains de toutes tailles, à commencer par ceux qui possèdent des collections d'art islamique ou des partenariats avec les pays visés, expriment également leur désarroi. « Il est inquiétant que ces actions puissent mettre en péril de futures collaborations », explique au Journal des Arts Tatiana Herrera-Schneider, porte-parole du San Antonio Museum of Art, au Texas. Le musée, rappelle-t-elle, « représente l'art à travers les cultures et le temps et nous dépendons du travail artistique, de la recherche du monde entier ».

Il y a deux mois, le musée texan avait justement lancé It's Art in Any Language (c'est de l'art quelle que soit la langue), une série de visites « pour accueillir les nouveaux venus dans notre ville et plus particulièrement les immigrés et les réfugiés », souligne Mme Herrera-Schneider. « Nous prévoyons de continuer », assure-t-elle.

Au Metropolitan Museum of Art, monument de la culture aux Etats-Unis, l'inquiétude n'est pas plus faible. Le musée redoute en particulier que le décret ne freine les échanges culturels et les prêts avec les pays visés, ainsi que les voyages, dans les deux sens. Ceux-ci sont particulièrement cruciaux par exemple pour les études archéologiques, fréquentes en Irak ou en Iran. « Les échanges et les collaborations internationales sont essentiels pour notre travail actuel », résume le directeur du Met, Thomas Campbell. « Et nous craignons que plusieurs de nos programmes soient menacés. » 

Légende photo

Le San Antonio Museum of Art (SAMA), Etats-Unis © Photo AndYaDontStop - 2009- Licence CC BY-SA 2.0

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque