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Derrière le legs du Vuillard à Orsay, une saga judiciaire

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 7 novembre 2016 - 526 mots

PARIS

PARIS [07.11.16] - Sept ans après le décès de la donatrice, Le déjeuner Hessel pourra être enfin exposé au Musée d’Orsay après une longue bataille judiciaire peu connue. L’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 7 avril 2016 a clos la contestation des héritiers sur le legs.

L’histoire de l’entrée dans les collections du Musée d’Orsay de l’œuvre Le déjeuner Hessel (1899) est bien loin de la représentation paisible de cette scène de Vuillard. Attablés, les membres de la famille proche de l’artiste sont tous absorbés par leurs activités respectives, offrant une vision sereine des relations qui peuvent unir différentes générations lors d’un événement quotidien.

L’événement constitué par le legs au profit du musée est, quant à lui à la fois exceptionnel et tourmenté. Annoncée officiellement le 2 novembre dernier, l’entrée du tableau de Vuillard aux côtés des autres œuvres de l’artiste ne s’est pas faite sans remous judiciaires.

Lucie Kléné, fille adoptive des époux Jos et Lucy Hessel, amis intimes de Vuillard, et ex-épouse de l’héritier du joaillier Van Cleef & Arpels, avait pris des dispositions testamentaires en 2000 dont la teneur fut contestée en justice par ses deux enfants après son décès.

L’histoire, n’est pas sans évoquer d’autres affaires récentes : cette veuve très fortunée rencontre un nouvel amour, de 23 ans son cadet, en la personne de François Schiffer, qu’elle couvre de présents tout en menant grand train avec lui pendant de nombreuses années. Mais dans les années 2000, la santé mentale de Lucie Kléné décline. Placée sous sauvegarde de justice en 2003, puis sous tutelle en 2004, à la demande des enfants de son ex-mari, Lucie Kléné aura eu le temps de rédiger son testament instituant son amant comme légataire universel et le Musée d’Orsay comme légataire d’un tableau à choisir parmi huit œuvres lui appartenant.

Depuis lors, François Schiffer a été condamné à trois ans d’emprisonnement pour abus de faiblesse et vols à l’encontre de la veuve par la cour d’appel d’Aix-en-Provence en 2008. Parallèlement, les héritiers ont tenté de faire valoir la nullité du testament et sa révocation. La cour d’appel de Versailles, saisie de cette quesiton, a conforté partiellement les souhaits des héritiers le 7 avril 2016. Si les dispositions testamentaires au bénéfice de François Schiffer ont été révoquées, pour cause d’ingratitude, celles relatives au legs au profit du musée ont été validées.

Pour autant, les deux héritiers avaient tenté de faire obstacle à un tel legs en arguant tout à la fois de l’insanité d’esprit de la testatrice dans les années 2000 et de sa dépossession des tableaux au profit d’un trust bermudien. La cour a cependant rejeté ces deux arguments, en relevant l’absence d’altération des facultés mentales de la veuve et l’absence de preuve d’un transfert de la propriété des tableaux au trust.

L’affaire se poursuit désormais devant la Cour de cassation, saisie par un pouvoir déposé par François Schiffer alors que le volet consacré au legs du Déjeuner Hessel est désormais refermé. L’accrochage retardé du tableau dans la salle 10 du musée bénéficie toutefois d’une belle actualité, après l’annonce de la donation Hays et avant la présentation de la collection de Zeineb et Jean-Pierre Marcie-Rivière.

Légende photo

Edouard Vuillard (1868-1940), Le déjeuner en famille, dit aussi Le déjeuner Hessel, 1899, Huile sur carton, 58,2 x 91,8 cm, Paris, musée d'Orsay - Legs de Mme Lucie Grandjean-Hessel, 2016 - Collection Musée d'Orsay

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