Ventes aux enchères

La Princesse Beauvau-Craon retire les lots incriminés de la vente qui s’est tenue lundi

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 16 juin 2015 - 811 mots

PARIS [16.06.15] – Lundi 15 juin, peu avant le début de la vente prévue à 15h, Maître Rémy Le Fur a lu devant une salle comble un communiqué de la Princesse de Beauvau-Craon, annonçant son souhait de retirer de la vente les biens « litigieux ». 30 lots ont été adjugés pour près d’1 million d’euros.

Après la notification de classement au titre des Monuments Historiques concernant 12 lots - les plus importants de la dispersion d’une partie de sa collection conservée au Château d’Haroué en Lorraine, les empêchant donc de quitter le territoire français - la Princesse Minnie de Beauvau-Craon et Maître Rémy Le Fur avaient saisi le juge des référés afin de faire annuler cette notification sur la base de l’existence préalable de passeports. Selon la maison de ventes, le juge des référés, qui ne statue pas sur le fond, a précisé que la notification de classement n’interdisait pas la vente malgré l’existence de ces passeports de libre circulation. Les plaignants ont donc « perdu » le référé puisque les lots concernés sont restés sous l’effet de cette notification. En aucun cas le juge de l’urgence ne s’est prononcé sur la contradiction entre la notification et les passeports.

Mais quelques minutes avant le début de la vacation, la Princesse a décidé de retirer de la vente les lots concernés. Les amateurs et curieux présents dans la salle en ont été informés par une lettre lue par le commissaire-priseur lui-même. Le commissaire-priseur a précisé que « ces lots retirés ne remettent pas en question la dispersion de l’extraordinaire collection Beauvau-Craon au Château d’Haroué ».

Parmi les lots visés, issus de la commande de Louis XVIII pour le Château de Saint-Ouen, château qu’il a offert à la Comtesse du Caya, sa favorite et aïeule de Minnie de Beauvau Craon, figuraient un portrait la Comtesse du Cayla et ses enfants dans le parc du château de Saint-Ouen, par le Baron Gérard (est. 800 000 à 1,2 million d’euros) ; la chambre à coucher de la Comtesse au château de Saint-Ouen, par Bellangé (est. 40 000 à 60 000 euros)́ ; un ensemble de trois paires de torchères (est. 200 000 à 280 000 euros) par Thomire, ainsi qu’une garniture de cheminée en placage de malachite attribuée à Thomire (est. 60 000 à 80 000 euros).

Quant à l’épée de grand écuyer de Lorraine déclarée Trésor National peu avant la vente, la procédure n’est pas contestée par la vendeuse puisque le passeport n’a pas été demandé préalablement. Cependant, ce statut a freiné les enchères qui n’ont pas atteint le prix de réserve de 620 000 euros hors frais. La Princesse n’a donc pas souhaité la vendre.

Ce retrait a porté le nombre de lots à vendre de 50 à 37, dont 30 ont trouvé preneur, tous au-dessus de leur estimation initiale, pour un total de presque 1 million d’euros soit 984 635 euros frais compris (la vente complète des lots était estimée 2,3 à 2,7 millions d’euros hors frais). Malgré le contexte défavorable et l’absence de lots phares, les acheteurs ont tout de même répondu présents, la provenance prestigieuse ayant certainement joué. Le Portrait de Louis de Beauvau, 1598, a remporté la plus forte enchère, 285 000 euros frais compris (estimation hors frais de 60 000 à 80 000 euros), tandis que Marche de mariage de sa Majesté Henri-Jacques de Lorraine et d’Anne Marguerite Gabrielle de Beauvau-Craon, par Claude Jacquart, a été préempté par le Musée du château de Lunéville à 81 250 euros (est. 40 000 à 60 000 euros).

« On ne peut que regretter que la vente ait été perturbée. Nous avons quand même eu de la chance d’avoir beaucoup d’acheteurs mais ceux qui étaient venus pour les lots de la commande de Louis XVIII sont repartis tristes et bredouilles. Casser une vente tel que cela vient d’être fait n’est pas bon pour le marché français. Peut-être représenterons-nous les objets un jour mais ils auront déjà été vus. C’est une entrave à la liberté des enchères. Cette situation a déjà eu des répercutions énormes : de grandes maisons concurrentes et amies nous ont informé que depuis cette notification, de nombreux biens très importants, dotés de passeports, ont quitté la France. Et ça c’est bien triste. Soit l’Etat n’autorisait pas les passeports et achetait soit il n’entravait pas la vente de ces biens. Cette situation spolie et bloque, et la cliente et la maison de ventes. Mais je soutiens la princesse et estime qu’elle a pris la bonne décision en laissant intact la commande », commentait Rémy Le Fur à l’issue de la vente.

L’Etat a maintenant un an pour confirmer ou non la notification. Si elle est confirmée, la princesse devrait recevoir une indemnisation. « Elle n’a en tout cas pas l’intention de rester passive par rapport à ce qui vient de lui arriver », a conclu Rémy Le Fur.

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Vue de la vente aux enchères le 15 juin 2015 à Drouot, Paris © Photo Marie Potard

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