Art contemporain

Frédéric Lecomte sur le fil du rasoir

Par Pauline Vidal · lejournaldesarts.fr

Le 15 avril 2015 - 563 mots

VITRY-SUR-SEINE [15.04.15] - A la galerie municipale Jean-Collet, l’artiste français conjugue humour et gravité à travers un panorama de ses vingt années de création.

Une symphonie de Bach accueille le visiteur. Mais point de musiciens et d’instruments de musique ! Ce sont des archers actionnés par de petits moteurs invisibles qui jouent leur partition sur des verres en cristal. Cette introduction un brin cacophonique plonge d’emblée le visiteur dans l’univers chaotique et poétique de Frédéric Lecomte. Chez cet artiste français (né en 1966 à Amiens, 1488ième dans Artindex France 2015), tout menace sans cesse de déraper, de se briser, de disparaître. Il y a des lames, du verre, des équilibres précaires. La cinquantaine de pièces réunies jusqu’au 3 mai à la galerie municipale Jean-Collet s’échelonnent sur vingt ans, la plus ancienne remontant à 1995. C’est « Le bal des ampères » titre l’exposition. Tel un fil d’Ariane, un ruban bleu court sur l’ensemble des murs, comme pour tenter de mettre un peu d’ordre et d’encercler un travail qui s’affiche comme incontrôlable. Il en ressort l’impression d’une profonde unité, au-delà de la diversité des médiums (peinture, dessin, vidéo, son) auxquels l’artiste recourt. Installé sur les deux étages des lieux le parcours procède par glissement et contamination entre les œuvres. D’une série photographique montrant l’ombre menaçante d’un ballon sur le bitume, on passe à la chorégraphie d’un couteau suspendu qui frôle le sol en dessinant des cercles. Plus loin, se dresse un arbre. Son feuillage est suggéré par des plaques de verre découpées qui ondulent à l’intérieur de cadres en bois accrochés au mur. Et cet arbre imaginaire conduit vers une Vague alarme. Reprenant le dessin de la Grande Vague d’Hokusaï, deux plaques en fer actionnées par un petit moteur, miment le mouvement et le bruit de la mer.

Lecomte aime les machines, il aime fabriquer des machines qui ne servent à rien. « On ne sait jamais si cela va marcher tout le temps de l’exposition, confie la commissaire Catherine Viollet. Mais lui non plus n’est pas sûr. Il aime cette faiblesse que peuvent avoir les machines car elles transportent ainsi une poésie ». Des balais qui se mettent à danser, deux boules qui s’entrechoquent sur un ring, des plumes de cygnes blancs qui s’agitent fébrilement... Les machines de Lecomte rappellent celles de Tinguely. Outre la fragilité des bricolages réalisés à partir de matériaux pauvres et d’objets du quotidien, c’est leur absurdité, leur vanité qui est bouleversante. Elles sont à l’image de nos vies, dérisoires et éphémères.

Et si le corps et le désir sont omniprésents, c’est sous l’angle de la mort. Georges Bataille n’est jamais très loin. Les Larmes d’Eros sont d’ailleurs passées entre les mains de Lecomte qui a découpé le livre en forme de coeur. Avec une même précision quasi chirurgicale, il grave des motifs sur des plaques en verre, jouant sur les effets de transparence comme le fit Duchamp dans son Grand Verre. Il imagine des robes en papier, découpe des photographies dans des magazines, déshabille les corps jusqu’à en montrer les entrailles.

Et pour finir, le visiteur pourra repartir avec sa Boîte de temps qu’il est libre d’ouvrir ou pas pour découvrir ce qu’elle renferme. Car si certaines contiennent quelque chose, d’autres sont vides. Perdu pour perdu, jouons avant de disparaître nous suggèrent ces petites boîtes ! Lecomte est un clown triste qui rit pour mieux cacher ses larmes.

Légende photo

Frédéric Lecomte , Vrac, 2001, Découpes de presse, collage. 10 x 90 x 130 cm. © Photo Galerie Municipale Jean-Collet

Le Bal des ampères – Frédéric Lecomte, exposition jusqu’au 3 mai, à la galerie municipale Jean-Collet, 59, avenue Guy-Môquet, 94400 Vitry-sur-Seine, entrée libre, du mardi au dimanche de 13h30 à 18h et le mercredi de 10h à 12h et de 13h30 à 18h

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