Le plus célèbre galeriste de Russie expulsé à cause d’une exposition qui incommode les autorités locales

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 6 septembre 2013 - 517 mots

MOSCOU (RUSSIE) [06.09.13] – Parce qu’il allait accueillir une exposition qui défend le patrimoine historique moscovite, Marat Guelman, l’un des plus importants galeristes russe, est expulsé de sa galerie. Il en appelle à ses confrères.

Marat Guelman, principal galeriste de l’art contemporain russe des vingt dernières années, vient de recevoir une lettre lui intimant de vider les lieux de sa galerie d’ici trois jours. Les propriétaires de la friche Winzavod, haut lieu de l’art contemporain moscovite, veulent en effet se débarrasser de sa galerie dénommée « Alliance culturelle - Projet de Marat Guelman », devenue un locataire encombrant pour des raisons politiques.

Marat Guelman venait la veille d’accepter d’héberger une exposition « conservatrice », dans le sens où elle défend la protection de bâtiments moscovites historiques menacés de destruction par les autorités de mèches avec des promoteurs immobiliers. Arkhnadzor, c’est le nom de l’exposition en question) a déjà été rejetée par huit autres galeries sous la pression des autorités municipales. Le contexte électoral (les municipales se déroulent dimanche) est particulièrement tendu. Le maire sortant est soupçonné de collusion avec les promoteurs et la destruction du patrimoine agace particulièrement les Moscovites.

Marat Guelman a publié la lettre sur son blog (1) et souligne que la propriétaire de Winzavod, Sonia Trotsenko lui a demandé jeudi de renoncer à accueillir Arkhnadzor. « Quelle effrayante exposition ! » ironise Guelman, s’étonnant que « des personnalités aussi prospères [que Sonia Trotsenko] soient contraintes de s’agenouiller devant les haut fonctionnaires. Qu’est-ce qui peut bien les contraindre à perdre ainsi la face ? »

C’est la gueule de bois aujourd’hui à Winzavod. Et l’Autrichien Erwin Wurm, qui inaugurait jeudi soir une grande exposition festive consacrée aux meubles-pour-picoler et à la saucisse détournée, n’y est pour rien. Toutes les galeries de Winzavod organisaient simultanément des vernissages pour l’ouverture de la saison, sous des flots de vodka. La foule des grands soirs était d’autant plus excitée que, pour une fois, l’immense sous-sol de Winzavod était ouvert, et investi par une étonnante série d’installations. Winzavod, qui semblait s’essouffler depuis deux ans à cause de choix de plus en plus douteux en termes de programmation, paraissait de nouveau capable de frapper très fort. Hélas, les coups sont tombés sur le plus téméraire et émérite de ses locataires.

Marat Guelman a heureusement le cuir épais, et plus d’un tour dans son sac. Ses expositions ont souvent été censurées par les autorités. Orthodoxes fanatiques et Cosaques avinés ont plus d’une fois menacé physiquement le galeriste. En 2006, il a même été passé à tabac par un groupe de 10 hommes et son matériel informatique fut détruit. Aujourd’hui, le coup vient de gens qui lui paraissaient proches, mais il fait appel à la solidarité du milieu de l’art contemporain. « J’espère que mes collègues ne laisseront pas passer cela. La censure est une salope ! » conclut-il.

(1) Vendredi 6 septembre 2013 - 16h20

Le blog de Marat Guelman (maratguelman.livejournal.com) est actuellement étrangement inaccessible : hasard ou censure ?

LeJournaldesArts.fr a réussi à se procurer la lettre :

La lettre de Marat Guelman
(1bis) Vendredi 6 septembre 2013 - 20h

Le blog de Marat Guelman est de nouveau accessible.

Légende photo

Marat Guelman - source maratguelman.livejournal.com

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