Un retable en péril

De Thornham Parva au Musée de Cluny

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 février 1996 - 538 mots

Le retable de Thornham Parva a besoin d’une restauration de toute urgence. Cette œuvre du XIVe siècle, la plus importante du genre conservée en Angleterre, provient du même atelier qu’un fronton du Musée de Cluny, auquel il était vraisemblablement réuni autrefois.

LONDRES (de notre correspondant) - "Nous espérons pouvoir nous procurer la somme nécessaire à la restauration du retable. Dans le cas contraire, nous devrons envisager de mettre l’œuvre en dépôt dans un musée ou bien encore de la vendre", déclare Martin Kay, co-président du conseil paroissial. Le retable de Thornham Parva, qui représente la Crucifixion du Christ, entouré de huit saints, date de 1335 environ et mesure 3,60 m de large. Découvert derrière les stalles de Thornham Hall en 1927, il a été ensuite donné à Sainte Marie, l’église locale. Ce retable a été exécuté dans le même atelier qu’un fronton primitif anglais conservé au Musée de Cluny. Il a également été établi que ces deux pièces étaient autrefois réunies.

Un remède pire que le mal
Son examen approfondi par l’Hamilton Kerr Institute, rattaché au Fitzwilliam Museum de Cambridge (lire le JdA, n° 21, janvier 1996), a fait apparaître que l’écaillage du retable de Thornham Parva était plus grave que ce que l’on craignait. En alourdissant la couche picturale originale, les repeints effectués au XVIIIe siècle ont entraîné son décollement, explique le directeur de l’institut, Ian Mc Clure. De plus, l’état du retable a empiré après 1989 : le verre du coffrage destiné à le protéger a été placé trop près du panneau, et la circulation d’air réduite a contribué à accroître la moisissure. Enfin, les vis de cuivre utilisées pour assurer la fixation des montants du retable dans sa partie supérieure présentent des signes de corrosion dus à l’acidité du chêne.

Si l’Hamilton Kerr Institute est convaincu de la nécessité de prendre des mesures conservatoires toutes affaires cessantes, la question est encore débattue par certains experts. David Park, directeur du département de conservation des Peintures murales à l’Institut Courtauld et coauteur d’un livre sur le retable de Thornham Parva, est, lui, favorable à une intervention minimale : "Je ne suis pas convaincu que l’écaillage soit si important, et je souhaiterais de nouveaux examens  avant d’entreprendre quoi que ce soit", a-t-il déclaré. Cela dit, trois autres experts internationaux consultés depuis ont tous confirmé les constatations de Ian Mc Clure, et le conseil paroissial a finalement décidé d’appliquer les mesures préconisées par l’Hamilton Kerr Institute.

168 000 livres pour sa restauration
Des chevilles en bois remplaceront les vis de cuivre ; la cire, le vernis délavé et les repeints seront éliminés avec un solvant, puis au scalpel ; la couche picturale originale sera consolidée à l’aide de colle de poisson et protégée par une couche de vernis synthétique ; les manques seront colmatés et retouchés ; enfin, un nouveau coffrage sera fabriqué.

Ces travaux de restauration devraient durer deux ans et commenceront dès que les fonds nécessaires seront réunis. Les coûts, estimés à 168 000 livres (1,34 million de francs) par le Hamilton Kerr Institute, pourraient être couverts par le National Heritage Memorial Fund et l’En­glish Heritage. Il faudra également doter l’église de 60 000 livres (480 000 francs) supplémentaires  pour l’installation et la maintenance d’un dispositif de sécurité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : Un retable en péril

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