Un parement polychrome pour le palais Farnèse

Le Journal des Arts

Le 11 juin 1999 - 606 mots

Siège de l’ambassade de France à Rome, l’imposante façade du palais Farnèse, achevée par Michel-Ange, s’orne d’un parement en briques à dessins géométriques jusque-là ignoré des architectes et des restaurateurs.

ROME (de notre correspondante) - Depuis la fin du mois de mai, la majestueuse façade du palais Farnèse, commencée par Antonio da Sangallo le Jeune (1517) et achevée par Michel-Ange (1546-1549), apparaît sous un jour complètement nouveau et résolument original. Sa restauration a été menée à terme par la Surintendance pour les Biens architecturaux de Rome, grâce au financement du ministère des Affaires étrangères français et de l’ambassade de France qui occupe le palais. L’épaisse couche de saleté recouvrant la façade rendait encore plus oppressante cette masse architecturale sur la petite place attenante. Son nettoyage a révélé un parement rose en briques à dessins géométriques, obtenus par des empâtements jaune et rouge – et une simple couche de peinture lorsqu’il manquait des briques. Alliés à la pureté des éléments en travertin et en marbre, ces motifs décoratifs lui ont redonné sa luminosité d’origine.

L’architecte Laura Caterina Cherubini a conduit les travaux pour la Surintendance, en collaboration avec l’architecte de zone Costanza Pierdominici et sous le contrôle scientifique d’une équipe d’experts. “La découverte de ce parement en briques composé de formes géométriques est surprenante, affirme la directrice des travaux. Étrangement, cette caractéristique n’apparaît sur aucun dessin ancien, même sur celui qui documente l’édification du palais, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de Rome, ni sur les chroniques des voyageurs. Des spécialistes éminents comme l’architecte français Letarouilly qui, dès le XIXe siècle, ont effectué des relevés du palais en vue frontale, semblaient ignorer cet aspect”. “La décoration polychrome du parement, poursuit-elle, semble un exemple unique à Rome jusqu’à présent. La cour du Belvédère, au Vatican, possède bien un élément de décoration ancienne, mais il est monochrome. On peut avancer comme première hypothèse une volonté de revisiter le style antique, très répandue et amplement interprétée pendant la Renaissance. Mais il est également possible que des maîtres d’œuvre lombards itinérants soient intervenus dans l’exécution de ce parement. Tout cela devra être étudié”. À l’intérieur de chaque tympan de fenêtre se trouve un motif décoratif différent, qui rappelle des formes végétales. En remontant vers le troisième étage, la décoration devient beaucoup plus vive et riche ; les matériaux s’affinent jusqu’à ressembler à la fleur de lis de France. Laura Caterina Cherubini fait observer que c’est “à partir du deuxième ordre [architectural] que Michel-Ange est intervenu”.

Le nettoyage a permis de faire d’autres découvertes, telles les petites colonnes en fonte teintées en faux travertin qui composent le balcon central, certainement remplacées lors de la restauration effectuée au XIXe siècle, même si les documents ne parlent que d’un “rafraîchissement” de la cour, lorsque le roi de Naples emménagea dans le palais. Les restaurateurs du groupe Sei 83, Gabriella del Monte et Carlo Usai, ont débarrassé la facade de son épaisse couche de saleté. Ils ont remplacé le crépi moderne du rez-de-chaussée en recréant l’aspect “inachevé” de cette zone demeurée incomplète, et sont intervenus là où les matériaux en pierre s’effritaient. “La superficie vitrée occupe une place non négligeable dans la composition architecturale de la façade, conclut Mme Cherubini. J’ai donc jugé utile de reconstruire tous les châssis des fenêtres selon le dessin ancien, en utilisant comme modèle une fenêtre réalisée en trompe-l’œil”.

Deux restaurations avaient déjà été effectuées : l’une au milieu du siècle dernier, l’autre dans les années trente – avant que le gouvernement italien ne rachète le palais à la France, en 1936 – par Marcello Piacentini, qui avait également procédé au remplacement de certaines parties de la corniche de Michel-Ange.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°85 du 11 juin 1999, avec le titre suivant : Un parement polychrome pour le palais Farnèse

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