Trois questions à… Mathilde Gautier

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 19 mai 2015 - 360 mots

Docteur en Arts et chercheur associé à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, et auteure de l’ouvrage Le commerce des musées d’art en Europe. Enjeux et fonctionnement (2014, L’Harmattan).

1. Quel regard portez-vous sur les produits offerts dans cette nouvelle boutique au cœur du Louvre ?
Lorsque j’ai rencontré les professionnels du secteur en 2005 pour ma thèse de doctorat, ils disaient ne rien avoir à faire avec « les vendeurs de pacotilles de la rue de Rivoli ». À l’époque les boutiques étaient les mal-aimées du musée et on les cachait. Aujourd’hui, on décroche des œuvres du Musée du Louvre pour ce que Pierre Rosenberg appelait les « marchands du temple ». Cela questionne le sens et la valeur de l’art au musée. L’un des problèmes est de trouver des fournisseurs capables d’offrir des produits à un prix abordable avec des marges satisfaisantes et cela pour une commande réduite. Or, dans ce marché de niche, les fournisseurs capables de répondre à ce type de commande proposent la même chose – le porte-sac, le mug, le magnet…

2. Comment éviter les abus ?
Dans l’enquête menée pour ma thèse, nombreux étaient les clients à se plaindre de la présence de « plastique ». Là est tout le paradoxe : on vient d’admirer les plus belles œuvres du monde et on tombe sur une marchandise qui manque de rareté. Les musées privilégient l’étude des publics, mais ils devraient s’interroger aussi sur le comportement d’achat, mener une réflexion marketing sur les désirs de leurs publics et s’efforcer à proposer des produits originaux et innovants. Il est possible de vendre ces produits tout en étant rentable, mais cela implique des changements stratégiques.

3. Existe-t-il selon vous une limite symbolique à ne pas franchir ?
C’est là toute la question : qu’est-ce qu’une dérive commerciale ? Une étudiante, toujours dans le cadre de mes recherches, m’a fait part de la honte qu’elle éprouve à posséder un parapluie Monet reçu en cadeau. Pour elle, il s’agissait d’une pratique pauvre de la culture. Alors que d’autres pourront s’en réjouir, car un parapluie Monet c’est joli, coloré… Tout cela correspond à un système de valeurs, de représentation sociale que l’on a de soi-même.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°436 du 22 mai 2015, avec le titre suivant : Trois questions à… Mathilde Gautier

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