Sienne reprend des couleurs

Le Journal des Arts

Le 25 mai 2001 - 421 mots

Autrefois polychrome, la façade du Palazzo Pubblico de Sienne a perdu, au cours des siècles, ses couleurs médiévales. La restauration de cet édifice, accompagnée d’un colloque, a permis de brosser un panorama historique et chromatique de la cité toscane.

SIENNE (de notre correspondante) - Après trois années de travaux menés par l’Institut central de la restauration à Rome et la commune de Sienne, la façade du Palazzo Pubblico est sur le point de retrouver son éclat d’antan. La restauration de cet exemple majeur de l’architecture du Moyen Âge a donné lieu à l’élaboration d’une carte très précise illustrant toutes les interventions – restaurations et ajouts – qui ont jalonné depuis des siècles l’histoire du monument. Étudiées dans le cadre d’un colloque organisé par le Centre européen de recherche sur la conservation et la restauration (Cerr), ces données ont permis de mettre en lumière le thème de la couleur des façades médiévales, jusqu’alors peu étudié. Ainsi, lors d’une enquête préliminaire réalisée sur le palais, il s’est avéré que les joints liant chaque brique portaient encore des traces de couleur peinte a tempera. De même, dans le cercle où s’inscrit le monogramme du Christ, symbole de San Bernardino, des traces d’azurite ont été retrouvées. La Vierge en majesté peinte par Simone Martini ou la fresque du Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti au Palazzo Pubblico révèlent, en effet, une Sienne bien différente de ce qu’elle est désormais. Si ses façades sont aujourd’hui de briques nues, elles étaient autrefois couvertes d’un enduit peint et étaient en grande partie décorées. Constitué de très fines couches, l’enduit a probablement disparu, en raison de la technique fragile (l’arriccio – mortier à grains assez gros – n’existait pas alors), avant même que le tremblement de terre de 1798 n’ait raison de la cité siennoise.

Au cours des restaurations du XIXe siècle faisant suite à la catastrophe, les enduits peints ont été complètement enlevés, répondant ainsi à un goût romantique qui préférait une ville archaïque, de briques nues. Pourtant, à l’époque de son développement économique et démographique, Sienne s’est parée de multiples couleurs avec un raffinement tout à fait gothique. Adaptée à l’urgence des chantiers et plus économique que la pierre, la brique s’est ainsi largement répandue en Europe, dans des villes construites entre 1150 et 1300, telles Bologne, Venise, Toulouse – connue justement comme “la ville rose” –, Lübeck, Hambourg, Gand et Bruges. Si le parti de restauration a été de ne pas choquer les habitants de Sienne, le colloque a voulu souligner cette réalité historique, niée par la suite.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°128 du 25 mai 2001, avec le titre suivant : Sienne reprend des couleurs

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