SAINT-ÉTIENNE
La réfection complète du Musée d’art moderne et contemporain stéphanois est l’occasion de redécouvrir ses collections et son histoire. Visite en avant-première, avant l’ouverture au public le 9 novembre prochain.
C’est un témoignage du XXe siècle qui a resurgi à la faveur de la rénovation du musée. Installé juste à la sortie du grand hall : un grand panneau de carreaux blanc de Jean-Pierre Raynaud (né en 1939), de dix mètres de long, est encore sous bâche plastique pour le protéger des poussières. Dissimulé à l’intérieur d’une cimaise, Espace Zéro (1987) a été révélé lors du chantier qui vient de se terminer. L’œuvre est emblématique du Musée d’art moderne et contemporain (MAMC+) de Saint-Étienne Métropole comme le rappelle Aurélie Voltz, sa directrice. « Elle témoigne de la complicité entre l’artiste et Didier Guichard, l’architecte, qui était lui-même collectionneur, et qui lui a commandé cette installation pour son ouverture en 1987. » De la façade en carreaux de céramique noire au plan des salles d’expositions, tout le dessin de l’édifice constitue d’ailleurs une déclinaison du carré, une forme également appréciée par Raynaud dans son travail.
« Depuis son inauguration et alors qu’il a accueilli 400 expositions, le bâtiment n’avait pas fait l’objet de travaux de fond, explique Aurélie Voltz, il fallait rénover l’équipement technique comme les centrales de traitement d’air qui n’assuraient plus de bonnes conditions de température et d’hygrométrie pour la préservation des collections. » Entièrement désossée de ses cimaises, la construction a subi un lifting du sol au plafond en passant par l’éclairage. « Nous avions également des problématiques de sécurité au travail des techniciens intervenant sur les cimaises. » Ces immenses parois de 7,5 mètres de hauteur ont été détruites, puis reconstruites. Pour faciliter le déplacement du personnel technique à l’intérieur, leur largeur a été augmentée ; elles ont été agrémentées de deux plateformes de hauteur différentes pour les accrochages et de véritables portes ont été installées en remplacement des petites trappes d’origine.
L’éclairage zénithal prévu dès la construction du musée a été récupéré afin de pouvoir bénéficier autant que possible de la lumière naturelle. Avec le temps, les ouvertures triangulaires avaient été recouvertes d’un film noir. Les vitrages sont désormais équipés d’un filtre anti-infrarouge et disposent de stores que l’on peut abaisser si besoin. Des rails d’éclairages de hauteur modulable remplacent un système fixe, afin d’adapter le niveau des spots en fonction de l’accrochage ou de la taille des œuvres. Pour offrir plus de clarté, les salles, autrefois grises, ont été peintes en blanc. Un revêtement de terrazzo gris recouvre l’ensemble des espaces : son installation a nécessité au préalable de désamianter le sol d’origine et de refaire une dalle. L’espace de circulation a enfin été repensé, car le constat avait été fait que les visiteurs pouvaient se sentir perdus entre les différentes expositions temporaires. L’ensemble du chantier a coûté 5 millions d’euros pris en charge par la Métropole et l’État (pour 632 000 €).
La fermeture du musée a aussi été l’occasion de s’attaquer à un autre gros chantier, celui des collections. Au fond du bâtiment, une grande réserve contenant 3 000 peintures et photographies encadrées, des œuvres jusqu’alors entreposées sur de grands rails métalliques, est ainsi en train d’être vidée. Des manipulations lourdes mais indispensables pour pouvoir procéder au remplacement des gaines de ventilation d’air de cette réserve, intervention génératrice de beaucoup de poussières et de risques pour les collections. Plusieurs toiles sont désormais entreposées dans de grandes caisses en bois qui pèsent plus de 200 kilos. Chaque œuvre a fait l’objet d’un constat d’état très précis avant son conditionnement. « Ce déménagement représente une opportunité inédite d’étudier de près chaque tableau de la collection, notamment ceux qui sont plus rarement exposés ou ceux que l’on voit moins car ils sont entreposés au fond d’un rail », précise Zoé Marty, conservatrice et responsable des collections. En fonction de leur état, les œuvres peuvent être soit directement conditionnées, soit faire l’objet d’une stabilisation de leur état, voire d’une restauration. Outre les sept personnes du service de la conservation, des salariés volontaires ont été formés sur la manipulation et le constat, soit 34 personnes mobilisées au total.
Rapidement s’est posée la question de savoir où entreposer les grands formats de la collection. Plutôt que de louer des espaces de stockage, ce qui aurait nécessité de les convoyer en région parisienne (où se trouvent des espaces conçus pour), le musée a choisi de les présenter dans les salles d’exposition, pour sa réouverture. D’autant que ces œuvres emblématiques racontent l’histoire récente des collections, notamment ce goût marqué pour la monumentalité, en vogue à partir des années 1970, qui se reflète dans les achats et l’architecture des lieux et ses espaces imposants. Ainsi, dans le parcours « Hors format », la première salle regroupe des tableaux issus de la scène française d’Après-guerre : Bernard Rancillac (1931-2021), Hervé Télémaque (1937-2022), Pierre Soulages (1919-2022), Vincent Bioulès (né en 1938), aux côtés d’une belle composition de Frank Stella (1936-2024), acquise en 1973 grâce au mécénat de Casino. On découvre aussi les grandes toiles de Julian Schnabel (né en 1951) et Gerhard Richter (né en 1932). « Dans les années 1970-1980, les musées allemands et suisses ont constitué une sorte de modèle pour le directeur de l’époque, Bernard Ceysson, ce qui se ressent dans la politique d’acquisition », souligne Zoé Marty. La seconde salle fait un retour en arrière dans l’histoire du musée, né du Musée d’art et d’industrie créé en 1833 et réunissant alors les collections de beaux-arts, de rubans et d’armurerie. Cette section met en valeur des peintres stéphanois du XIXe siècle, dont un très beau nu d’Hippolyte Flandrin (1809-1864), ou des œuvres en dépôt du Musée du Louvre. Au milieu de ce parcours, une salle est consacrée aux travaux de restauration des tableaux de la collection qui seront visibles par le visiteur. Une façon pédagogique de faire partager les coulisses du chantier des collections, lequel est encore loin d’être achevé.
Les 3 000 m2 de surface ne suffisent pas au MAMC+. Il ne dispose pas d’un espace permanent pour présenter ses riches collections. Depuis l’ouverture en 1987, le nombre d’œuvres a été multiplié par dix, pour atteindre les 23 000 pièces. Une étude de programmation sur l’extension du musée et les abords paysagers du site est en cours ; ses conclusions sont attendues pour la fin 2025. « Ce serait l’occasion de rassembler l’ensemble de nos réserves dont une partie est externalisée, de bénéficier d’ateliers et de bureaux plus adaptés aux effectifs qui ont également augmenté », indique Isabelle Mauchin, chargée de mission auprès de la direction du musée. La nouvelle surface nécessaire est estimée à 11 000 m2 dont 7 000 m2 de réserves. Quant au coût total, il s’établirait, selon une estimation basse de la direction du musée, à 50 millions d’euros, si l’on en croit les chiffres qui circulent dans la presse locale.
Quatre expositions pour la réouverture
Outre l’accrochage des grands formats, trois autres expositions marquent la réouverture du musée stéphanois. « Brand New » présente un aperçu des donations récentes. Alexandre Quoi, le directeur du département scientifique, a effectué une sélection d’une centaine d’œuvres d’une vingtaine d’artistes. Des dons qui illustrent les liens développés par le MAMC+ avec le monde de l’art : artistes, galeries, ayants droit, collectionneurs, amis du musée… Sont notamment proposées quatre mini-expositions consacrées à des artistes méconnus dont le musée dispose d’un corpus suffisant d’œuvres : Charles-Henri Monvert (1948-2018), Bernard Joubert (né en 1946), Lena Vandrey (1941-2018) et Max Wechsler (1925-2020). Deux autres accrochages monographiques complètent cette programmation inaugurale. L’un est consacré au photographe géorgien David Meskhi (né en 1979) qui a réalisé un travail sur de jeunes gymnastes de Saint-Étienne. L’autre accueille Anne Bourse (née en 1982), lauréate du prix des Partenaires du MAMC+, dont l’œuvre entremêle la pratique du dessin et l’installation, et qui bénéficie de sa première exposition muséale en France.
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À Saint-Étienne, le MAMC+ fait peau neuve
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°779 du 1 octobre 2024, avec le titre suivant : À Saint-Étienne, le MAMC+ fait peau neuve