Rouen poursuit le chantier

Le Musée des beaux-arts cherche à valoriser son fonds

Le Journal des Arts

Le 6 novembre 1998 - 760 mots

Après une fermeture de deux ans, l’aile sud du Musée des beaux-arts de Rouen a été inaugurée le 15 octobre. Cette dernière campagne de travaux, portant sur l’installation d’une climatisation, vient clore le chantier de l’établissement entrepris il y a dix ans. Si elle n’apporte de changements radicaux par rapport aux réaménagements précédents, cette réouverture donne le coup d’envoi d’une nouvelle politique de développement et de valorisation des collections.

ROUEN - Lorsque quatre ans après la réouverture de l’aile sud du Musée de beaux-arts de Rouen, il a fallu se résoudre à fermer de nouveau les salles pour installer la climatisation, la décision fut difficile. Parmi les 300 tableaux des XVe, XVIe et XVIIe siècles de la section, figurent en effet nombre des fleurons de l’établissement, de Pérugin à Poussin en passant par Caravage. Claude Pétry, alors tout juste nommée directrice des Musées de Rouen, n’a cependant guère eu le choix : un été caniculaire avait provoqué des malaises chez les visiteurs, et des variations thermiques et hygrométriques avaient gravement endommagé deux panneaux de l’École de Fontainebleau.

Le chantier, comprenant l’installation d’une climatisation mais aussi le rafraîchissement des peintures aux murs, aura finalement duré deux ans et coûté 8,6 millions de francs. À tout malheur quelque chose de bon, cette fermeture inopinée a permis d’améliorer ponctuellement le réaménagement précédent, par exemple l’éclairage ou l’équilibre visuel de l’accrochage. Mais surtout, elle a offert l’occasion d’engager une réflexion sur la mission du musée, l’accueil du public et la valorisation optimale des collections. “Pour l’ouverture des ailes sud et nord, en 1992 et 1994, il y a eu foule. Puis, le flux des visiteurs est retombé peu à peu, constate Claude Pétry. Pourtant notre fonds a de quoi alimenter la curiosité pour de nombreuses années. Il faut faire revivre la collection en agissant au cœur même.”

Une exposition test
Trois expositions, également inaugurées le 15 octobre, viennent illustrer cette volonté. Mettant à profit la fermeture des salles d’art ancien pour procéder à des échanges d’œuvres, la conservatrice a pu obtenir deux prêts majeurs de la National Gallery de Londres et du Getty Museum de Los Angeles : Salomé recevant la tête de saint Jean-Baptiste de Caravage fait écho pour deux mois à la Flagellation du Christ de Rouen, peinte trois ans plus tôt, tandis que deux pendants de Poussin – l’Orage et Temps calme – sont temporairement réunis. Chaque paire occupe une salle, simplement accompagnée d’un commentaire stylistique et du résultat des analyses des restaurateurs.
Destinée à renouveler et approfondir la vision du visiteur sur les collections permanentes, cette exposition de quatre tableaux seulement se veut “un test par rapport au public”. Si le succès espéré est atteint, d’autres dossiers devraient suivre, grâce à de nouveaux échanges avec la National Gallery et, plus prochainement encore, à un prêt du Musée d’Orsay autour d’un Monet et d’un Sisley.

Dans le cabinet des arts graphiques de l’aile sud, c’est une peinture récemment acquise par le musée – Bacchus, allégorie de l’Automne par Abraham Bloemaert (lire le JdA n° 66, 11 septembre) – qui sert de fil conducteur à une présentation de dessins maniéristes du Nord, parmi lesquels figurent dix feuilles du peintre d’Utrecht qui a importé le vocabulaire bellifontain dans sa région. Enfin, l’exposition Marcel Duchamp incite à redécouvrir l’une des Boîte-en-valise des collections permanentes, autour de laquelle ont été rassemblées les six autres versions de cette œuvre multiple – véritable musée portatif rempli de reproductions miniatures des créations préférées de l’artiste –, ainsi que d’autres boîtes, des ready-made, des Rotoreliefs, des dessins et des photographies.

Chacune de ces expositions offre autant d’occasions d’étudier les fonds du musée et de nouer des liens fructueux avec d’autres institutions, tel le Musée national d’art moderne qui a laissé une quinzaine d’œuvres en dépôt pour trois mois et pourrait renouveler l’expérience. “C’est un cercle vertueux, commente Claude Pétry. Plus un musée est riche et dynamique, plus il reçoit.” Plusieurs projets sont ainsi en bonne voie pour développer davantage l’établissement. Grâce à la création d’un poste spécifique, il y a un an, le beau fonds de 7 000 dessins devrait donner lieu à de fréquentes expositions – trois sont prévues pour 1999 – et à un travail de publication systématique. Les réserves visitables seront réaménagées de manière plus pédagogique, balisées par de grands formats du XVIIe, XVIIIe et surtout XIXe siècle. Quant au circuit de l’art moderne, il devrait être un peu remanié autour de quelques fils conducteurs forts. Enfin, un audioguide présentant 35 chefs-d’œuvre à travers le musée sera gratuitement mis à la disposition des visiteurs dès l’année prochaine.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : Rouen poursuit le chantier

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