Querelle de dates à Canterbury

La restauration des meubles Bargrave est suspendue

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 12 septembre 1997 - 490 mots

La cathédrale de Canterbury a confié les meubles dans lesquels sont conservés les objets de curiosités de la collection Bargrave à un restaurateur qui affirme qu’ils datent de l’époque victorienne. À la suite des recherches faites par The Art Newspaper, il a été décidé de suspendre les travaux de restauration et de prendre l’avis de spécialistes.

LONDRES (de notre correspondant). "Nous sommes heureux que notre attention ait été attirée sur cette affaire, et nous étudions actuellement les conditions de conservation de ces cabinets de curiosités", a déclaré l’archiviste de la cathédrale de Canterbury, Michael Stansfield. La collection du Dr. John Bargrave, léguée à la bibliothèque de la cathédrale en 1680, a toujours été conservée dans ses trois meubles d’origine en bois de chêne, les plus anciens cabinets de curiosités de Grande-Bretagne. L’un a sans doute été fabriqué à Canterbury dans les années 1630 et donné à Bargrave par son ami, le Dr. Meric Casaubon, avec la collection de monnaies qu’il renfermait. Vers 1660, Bargrave a fait réaliser un second meuble assorti. Le dernier, et le plus important des trois, a été exécuté pour la librairie de la cathédrale en 1685, peu après le legs de la collection. Au printemps dernier, les trois meubles, vidés de leur contenu, ont été envoyés chez un restaurateur de Sandwich, dans le Kent. Ayant déclaré à The Art Newspaper que les cabinets "sont problablement des copies datant de l’époque victorienne", ce dernier a remplacé d’importants morceaux de moulures manquant à plusieurs endroits, en essayant de retrouver la couleur et le grain du bois d’origine. "Je ne suis pas de ces restaurateurs qui estiment que les ajouts doivent se remarquer", explique-t-il. Dans le plus grand meuble, il avait également prévu de remplacer par une étagère mobile recouverte d’un tapis un des tiroirs manquant – ils servent de présentoirs aux monnaies –, plutôt que d’exécuter une copie d’après les tiroirs d’origine. Les trois cabinets devaient être assortis au mobilier qui orne déjà la salle de la cathédrale où ils seront placés.

Un travail beaucoup trop interventionniste
Selon Tessa Murdoch, conservateur adjoint de la collection de mobilier du Victoria & Albert Museum, le travail entrepris semble beaucoup trop interventionniste. "Je crains que cette restauration ne porte préjudice aux meubles. Ce sont des témoignages d’une très grande importance historique", a-t-elle déclaré. Les frais de restauration de ces trois cabinets sont couverts par le fonds de 3 000 livres qui a été réuni au début des années quatre-vingt pour la collection Bargrave. Celle-ci comprend aussi bien des antiquités – certaines authentiques, mais également des faux datant du XVIIe siècle – et des monnaies que des échantillons géologiques, des pierres précieuses, des manuscrits, des objets de dévotion, ou des curiosités : un modèle d’œil humain, une dague vénitienne, une bague de bronze en forme de main tenant un phallus, des dents de requin…Tous ces trésors ont été soigneusement enregistrés par Bargrave en 1676, dans un inventaire qui est encore conservé à Canterbury.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°43 du 12 septembre 1997, avec le titre suivant : Querelle de dates à Canterbury

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