Prière d’afficher

Après dix ans de sommeil, le Musée de la publicité s’installe au Palais du Louvre

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 1999 - 814 mots

Fermé en 1989, le Musée de la publicité rouvre dans 700 m2 au sein de l’Union centrale des arts décoratifs, au Palais du Louvre. Conçu par Jean Nouvel autour d’un café et d’une salle de consultation multimédia, il inaugure ses nouveaux espaces avec une rétrospective « René Gruau ».

PARIS - Supposées en marge du circuit économique, les salles d’un musée peuvent-elles abriter et diffuser les messages consuméristes de Benco, Citroën ou Microsoft ? “La confrontation des mots “musée” et “publicité” n’est pas sans choquer”, admet Réjane Barjiel, conservatrice du Musée de la publicité, estimant tout de même “qu’une fois la campagne finie, la publicité est désactivée, comme un papillon épinglé sur du liège. Tout se joue dans le traitement qui en est fait par la suite”. D’où l’intérêt “du regard d’un musée, dans son balancement constant entre l’historique et le contemporain”. Riche de 50 000 affiches du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre mondiale, et d’un nombre équivalent pour les cinquante dernières années, les collections servent cette ambition, d’autant qu’elles sont complétées par des milliers de documents vidéos ou radiophoniques. Pourtant, l’ensemble est resté en caisses pendant une dizaine d’années. Ouvert en 1978 au 10 rue de Paradis, le Musée de l’affiche s’élargit “à la publicité” en accueillant d’autres supports, en 1982. Cependant, logé dans un immeuble au loyer trop élevé, il rejoint en 1989 les réserves de l’Union centrale des arts décoratifs, au Louvre. L’idée d’une réinstallation s’accélère en 1995, mais les travaux, d’un coût de 12 350 000 francs, subventionnés à hauteur de 11 millions par l’État, sont suspendus au chantier du Louvre, voisin avec lequel une liaison physique est toujours à l’étude.

La rue dans le musée
Après un premier projet abandonné, le réaménagement conduit par Jean Nouvel se distingue par un souci de conservation des anciens locaux du ministère des Finances. L’accueil dans un espace remodelé par des caissons et des lattes métallisés, symboliquement baptisé “La place”, est divisé en trois espaces : un café “branché” avec une rangée de téléviseurs, une salle d’actualités, et une médiathèque de douze postes offrant la possibilité de consulter les quinze mille affiches et dix mille films numérisés, classés par auteur, date de diffusion ou encore slogan. L’ensemble forme la seule véritable salle d’exposition permanente, la plus grande partie du musée étant consacrée aux manifestations temporaires qui devraient se succéder au rythme de trois ou quatre par an.
Collaborateur régulier de Jean Nouvel, Gary Glaser a manié boiseries et traces d’enduit pour donner un aspect brut et urbain, invitant la rue dans les huit salles réparties autour d’un couloir galvanisé.
Doyen de la publicité française, âgé de 90 ans, René Gruau inaugure les lieux. Influencé par la calligraphie japonaise et les affichistes du XIXe siècle, le dessinateur possède son trait, sa manière, et est en cela représentatif de l’équilibre souhaité par le musée entre art et publicité. Une exposition sur la récupération des images de l’histoire de l’art par la publicité devrait d’ailleurs bientôt s’y tenir. Mais d’ores et déjà, l’“Art” est largement convoqué par le musée : travaillant sur les messages visuels et sonores de la publicité, Guillaume Paris et Frédéric Sanchez ont été invités à intervenir dans son enceinte. Enfin, Claude Closky, habitué des images publicitaires et photographe de mode occasionnel, a été chargé de la communication du musée pour son ouverture, mettant en scène une prolifération graphique de navigateurs Internet – le futur de la publicité. Quant à Valérie Belin, elle signe avec ses Body-builders une série de photographies de “Monsieur Propre” en chair et en os. Exposés dans les vitrines du musée donnant sur la rue de Rivoli, ils devraient faire un magnifique produit d’appel.

Quelles collections pour la publicité ?

La plus riche collection d’affiches est celle de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Constitué par le dépôt légal, le fonds s’enrichit de 7 000 affiches par an ! Pour Anne-Marie Sauvageot, conservatrice au département des Estampes, plus qu’au message publicitaire, les expositions de la BnF s’intéressent à la création visuelle, aux “affiches d’auteur�?. Plus modeste, le fond de la Bibliothèque Forney, institution municipale parisienne spécialisée dans les arts appliqués, compte 18 000 affiches entoilées, de 1880 à nos jours. “Le fonds est plus important, mais ce sont les seules consultables�?, regrette Thierry Devynck, son conservateur. Il bénéficie d’un budget d’acquisition annuel de 200 000 francs, mais regrette le peu d’intérêt des publicitaires pour cette démarche de conservation. Des expositions sont régulièrement organisées autour de ce fonds : ainsi, à partir du 13 décembre et jusqu’au 24 avril, Forney accueillera “Les personnages publicitaires, du bébé Cadum à Mamie Nova�? (tél. 01 42 78 14 60). Quant aux films, la cinémathèque Jean-Marie Boursicot, fondée à Paris en 1980, semble être la référence avec près de 500 000 films, dont un de 1898. Réservée aux professionnels, l’association privée reçoit 25 000 nouveaux spots chaque année et organise “La nuit des publivores�? (www.publivores.com).

MUSÉE DE LA PUBLICITÉ

107 rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, tlj sauf lundi 11h-18h, mercredi 11h-21h, samedi et dimanche 10h-18h. Exposition inaugurale : PASSIONNÉMENT RENÉ GRUAU, jusqu’au 2 avril.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°93 du 19 novembre 1999, avec le titre suivant : Prière d’afficher

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque