Musée

Préhistoire

Neandertal en sa demeure

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 24 septembre 2004 - 633 mots

LES EYZIES-DE-TAYAC

Entièrement rénové, le Musée national de préhistoire des Eyzies-de-Tayac, en Dordogne, propose un parcours didactique et lumineux.

LES EYZIES-DE-TAYAC - Niché à flanc de falaise, dominant la vallée de la Vézère (inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco pour la richesse de ses vestiges paléolithiques), le Musée national de préhistoire a enfin rouvert ses portes au public, en juillet dernier. Il aura fallu près de trente années pour que le projet d’extension du musée voie le jour. Inauguré en 1923, l’établissement doit son existence à un homme : Denis Peyrony, instituteur périgourdin féru de préhistoire, qui réunit un incroyable ensemble d’objets paléolithiques à une époque où il n’existait pas de législation précise sur les fouilles – il faudra attendre la loi Carcopino en 1941. Le château des Eyzies-de-Tayac (Dordogne), dans lequel est installé le musée depuis son ouverture, se révèle vite trop ténu pour présenter les riches collections. C’est seulement en 1973 que décision est prise de l’agrandir, et en 1994 que sont réellement lancés les travaux, d’un coût total de 24,4 millions d’euros. Réalisée par l’architecte Jean-Pierre Buffi, l’extension permet aujourd’hui d’exposer plus de 18 000 pièces – sur les 5 millions que possède l’établissement – réparties sur 1 500 m2. « Nous l’avons conçue comme un assemblage de cubes à échelle humaine, explique celui-ci. L’édifice ne devait pas être rigide mais, au contraire, ouvert sur la falaise. Il devait jouer avec le paysage et l’éclairage naturel. » De grandes baies vitrées laissent ainsi voir la paroi rocheuse et permettent à la lumière d’envahir tout l’espace. Responsable de la nouvelle muséographie, Roberto Benavente a, pour sa part, réussi à présenter de manière relativement vivante les innombrables séries d’industrie lithique ou osseuse réunies par Denis Peyrony. S’adressant aussi bien aux spécialistes qu’aux novices, l’ensemble permet d’évoquer la période paléolithique, depuis l’installation des premiers chasseurs-cueilleurs en Aquitaine, vers 400 000 avant notre ère, jusqu’à la fin des temps glaciaires (10 000 avant notre ère).

Doubler la fréquentation
Après une brève introduction sur l’émergence de l’homme (entre 3,5 et 1,8 million(s) d’années avant notre ère), le visiteur emprunte le large escalier dit « le puits du temps ». Le long de ses parois sont installés des moulages de coupes stratigraphiques retraçant 400 000 années d’histoire. À travers de grandes vitrines murales, la galerie basse décrit ensuite le mode de vie des populations néandertaliennes et les cultures du Paléolithique supérieur, tandis que des squelettes de bison, renne et d’antilope, ou le moulage d’un rhinocéros laineux, rendent le parcours plus ludique. Au deuxième étage, la galerie haute, espace lumineux largement ouvert sur la falaise, évoque l’habitat des hommes préhistoriques. Puis la lumière se fait plus tamisée pour présenter des sépultures et objets funéraires. Parmi les pièces d’exception, une parure d’enfant, composée d’un millier de coquillages et déposée par le Musée des antiquités nationales, à Saint-Germain-en-Laye, contraste avec le gisement de La Madeleine (Dordogne). Ce musée possède depuis 1912 les plus belles pièces d’art pariétal de la collection Peyrony (lire l’encadré). Pour conclure, des images filmées de la grotte de Font-de-Gaume, située près du musée, invitent le spectateur à aller découvrir les œuvres préhistoriques in situ. Le musée s’est également doté d’espaces pédagogiques, d’un auditorium et d’une librairie. Son centre de documentation a, en outre, été entièrement rénové. L’institution espère ainsi doubler son taux de fréquentation et accueillir 400 000 visiteurs par an. De son côté, L’Homme primitif sculpté par Paul Dardé en 1931 sur la terrasse du château, devenu avec le temps l’emblème du musée, continue de veiller sur des vestiges vieux de plusieurs dizaines de milliers d’années.

Musée national de préhistoire

1, rue du Musée, 24620 Les Eyzies-de-Tayac, tél. 05 53 06 45 45, www.musee-prehistoire-eyzies.fr, tlj sauf mardi 9h30-12h30 et 14h-17h30 (en juillet-août, le musée est ouvert tlj sans interruption de 9h30 à 18h30).

Le triste sort des collections préhistoriques de Saint-Germain-en-Laye

Moins chanceux que son confrère d’Aquitaine, le Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, qui possède pourtant les plus belles pièces d’art mobilier de la collection Peyrony et l’un des plus importants ensembles d’objets préhistoriques d’Europe, souffre d’un désengagement de l’État et peine à attirer des visiteurs. Une campagne de rénovation a timidement été lancée en 2001 dans cet établissement installé aux portes de Paris. Après l’inauguration des salles Néolithique et de l’âge du bronze, c’est au tour de la galerie Paléolithique de proposer un nouveau parcours. Aux outils, armes et œuvres de pierre ou d’ivoire déjà présentés, ont été ajoutés de nouveaux ensembles comme ceux de la grotte d’Isturitz (Pyrénées-Atlantiques), avec des panneaux pédagogiques réadaptés. Mais à quand de réels travaux de réaménagement pour valoriser cette collection exceptionnelle ? - À voir : Musée des antiquités nationales, place Charles-de-Gaulle, château, 78105 Saint-Germain-en-Laye, tél. 01 34 51 65 36, www.musee-antiquitesnationales.fr, tlj sauf mardi 9h-17h15. - À lire : Le Musée des antiquités nationales, rédigé par les conservateurs du musée, éditions RMN/Fondation BNP-Paribas, 128 p., 23 euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°199 du 24 septembre 2004, avec le titre suivant : Neandertal en sa demeure

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