Muséologiquement correct

Des quotas ethniques pour les musées anglais

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 25 août 2000 - 450 mots

Souhaitant élargir le public des musées nationaux anglais, le ministère de la Culture britannique a fixé aux établissements des objectifs de fréquentation qui tiennent compte de quotas ethniques, plongeant de nombreuses institutions dans l’embarras.

LONDRES (de notre correspondant) - Parmi les objectifs des accords de financement annuels entre le ministère de la Culture, des Médias et des Sports (DCMS) et les musées anglais, l’indicateur de performances numéro 14a, concernant “l’estimation du nombre de visiteurs appartenant à des minorités ethniques” ne cesse de se heurter à la colère croissante des musées nationaux britanniques. Loin de récuser une volonté d’élargissement de leur public, qui viserait plus particulièrement des groupes jusqu’ici sous-représentés, les musées se demandent comment tenir de pareils comptes et s’interrogent sur la nécessité de fixer un quota. Si la National Gallery explique que la question de l’ethnie n’a jamais été abordée dans ses enquêtes passées, elle s’est pourtant mise d’accord avec le DCMS sur un pourcentage de 1,5 % l’année prochaine. Selon l’établissement, ce chiffre détermine un quota à atteindre de 75 000 visiteurs de minorités ethniques, pour une fréquentation totale de cinq millions. À la Tate Gallery, l’objectif est de 5 % pour cette année et de 6 % pour 2001-2002, chiffres acceptés de bon cœur. Mais quelle logique lui impose d’attirer quatre fois plus de visiteurs de minorités ethniques que la National Gallery ? Pour le British Museum, l’objectif est de 11 %.

Des catégories embarrassantes
Les musées nationaux de Liverpool ont accepté un quota de 3 %. Reste pour tous à déterminer qui appartient à une “minorité ethnique”. Le DCMS a dressé une liste de cinq catégories, telles “Asiatique ou Asiatique britannique / Indien / Pakistanais / Bangladais / autres origines asiatiques” ou “Blanc / Britannique / Irlandais / autres origines blanches”. Autre point ambigu, ce que le DCMS entend par le terme de “visiteur général” et l’inclusion ou non dans cette catégorie des écoles ou des visiteurs étrangers. Les musées ont des interprétations variées, mais le rapport donne le même sens à “général” et “ordinaire” et explique que ces chiffres représentent le nombre total de visiteurs moins ceux qui participent aux programmes éducatifs. Ce qui semble dire que le terme de “visiteur général” inclut les étrangers. Interrogé, le DCMS a pris une position un peu différente en précisant que le terme de “visiteur général exclut les visiteurs étrangers”, mais s’est refusé à plus d’explications.

Tout ceci plonge les musées dans un embarras certain. Comment peut-on demander à un visiteur son appartenance ethnique ? Un Indien venant d’Inde est-il membre d’une minorité ethnique ? Un homme d’affaires japonais travaillant à Londres pour deux ans est-il considéré comme résident ? Plus la question est creusée, plus elle devient ingérable.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Muséologiquement correct

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