Musée Thyssen-Bornemisza, le prix de l’excellence

Tomás Llorens dresse le bilan de cinq ans d’activité

Le Journal des Arts

Le 21 novembre 1997 - 591 mots

Le Musée Thyssen-Bornemisza fête le cinquième anniversaire de son installation en Espagne. Acquise par l’État espagnol, la collection a été divisée entre le Palais de Villahermosa à Madrid et le monastère de Pedralbès à Barcelone. Après le succès de la première année, la fréquentation a connu une chute inquiétante, passant de 623 300 visiteurs en 1993 à 433 500 en 1995. La légère reprise enregistrée en 1996 (500 000 entrées) devrait être confirmée cette année grâce à la grande exposition organisée autour des Trois Grâces de Canova. Principal responsable artistique du musée depuis 1991, Tomás Llorens parie sur une politique d’expositions élargissant ou approfondissant la collection pour assurer le succès public.

La collection Thyssen est principalement composée de pièces acquises aux enchères. À quoi cela est-il dû ?
Le baron préfère les enchères car elles ont l’avantage de l’objectivité du prix. Exceptionnellement, il est possible  d’obtenir un meilleur prix dans une galerie, mais, en vente publique, le prix apparaît en tout cas plus objectif.

Quel est l’apport du Musée Thyssen à l’ensemble des musées espagnols ?
J’en vois deux. Le premier est la complémentarité vis-à-vis des collections publiques. Il existe certains manques évidents dans les pinacothèques espagnoles, comme la peinture hollandaise, certains aspects de la peinture du XVIIIe, notamment à Venise, et toute la peinture internationale du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Ces lacunes étaient vraiment importantes pour le public espagnol, et elles sont en partie comblées par l’acquisition de la collection Thyssen.

Quel est le second ?
Il est plus théorique. Il s’agit d’un type de collection qui est davantage basé sur l’idée d’excellence artistique que sur celle de patrimoine historique. Son propos est plutôt illustratif qu’historico-nationaliste. Le point de vue de la collection Thyssen est caractéristique des musées du nord de l’Europe, de l’esprit anglo-saxon. La National Gallery de Londres est le modèle de ce type de collection qui tente de raconter l’histoire de la peinture dans un but didactique, plutôt que de conserver des témoignages de l’histoire du pays. Ceci est nouveau pour l’Espagne, car c’est un point de vue bourgeois caractéristique d’un capitalisme émergent qui fut très faible ici. Cette spécificité permet de mieux situer ce que l’on peut voir dans notre pays par rapport à ce que l’on peut contempler dans le monde anglo-saxon et dans le nord de l’Europe.

Ce sont les cinq ans du musée à Madrid, mais il est difficile de penser à un musée actuel avec une collection close.
Les collections ne sont pas closes. Le musée doit continuer de se considérer comme une collection ouverte.

Et comment pourrait-elle s’agrandir ? Quelles sont les possibilités ? La collection Carmen Thyssen pourrait-elle en être une ?
En effet, ce pourrait être une possibilité, bien qu’il s’agisse d’une collection privée. C’est en tout cas un moyen d’enrichissement temporaire puisqu’il y a toujours des tableaux de cette collection au musée. Le Musée Thyssen ressemble plutôt au Musée du Prado, puisque tous deux sont dotés de collections, au contraire du Reina Sofía. Pour les deux premiers, le mécanisme de la dation en paiement des impôts est tout à fait essentiel.

L’acquisition de la collection Thyssen a été l’un des efforts économiques majeurs entrepris par l’État sur le plan culturel. Quelle était la valeur réelle de la collection estimée par Sotheby’s au moment où la famille a formé le trust ?
L’État l’a acquise pour 350 millions de dollars (environ 2 milliards de francs), et je crois que l’on peut dire aujourd’hui que l’estimation qu’en avait faite Sotheby’s avoisinait 1,6 milliard de dollars (9,5 milliards de francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°48 du 21 novembre 1997, avec le titre suivant : Musée Thyssen-Bornemisza, le prix de l’excellence

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