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À Moulins, le CMN hérite d’un trésor

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 2 mars 2022 - 782 mots

MOULINS

L’État engage la restauration du grand triptyque attribué à Jean Hey et l’aménagement de la salle qui l’expose dans la sacristie de la cathédrale. L’ouverture à la visite sera assurée en 2024 par le CMN.

Moulins. Il y a un an, la cathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation de Moulins [voir ill.] était l’un des monuments bénéficiaires du plan de relance gouvernemental. L’édifice du XVIe siècle recevait une subvention de 1,5 million d’euros pour la restauration des façades est et nord. Ce chantier, qui devrait être lancé dans le courant de l’année, s’accompagne de l’aménagement de la sacristie, acté le 15 février par une convention signée entre le Centre des monuments nationaux (CMN), la préfecture de l’Allier, la direction régionale des Affaires culturelles (Drac) et le diocèse

La cathédrale héberge une œuvre remarquable de la Renaissance, le Triptyque du Maître de Moulins (vers 1498, voir ill.), attribué à Jean Hey. Les travaux visent à la fois la mise en accessibilité de la sacristie, dont celle des évêques qui est l’écrin de ce chef-d’œuvre, et la restauration du triptyque par le Centre de restauration et de recherche des musées de France (C2RMF). La maîtrise d’ouvrage est assurée par la Drac Auvergne-Rhône-Alpes, et l’État prendra intégralement en charge le chantier de plusieurs millions d’euros.

En 2024, le CMN héritera de la gestion des lieux, et aura pour mission de valoriser ce trésor trop méconnu : un « défi passionnant », pour son président Philippe Bélaval.

Un délicat travail de restauration

Le retable attendra octobre 2022 et le bicentenaire du diocèse de l’Allier, pour rejoindre les locaux du C2RMF à Versailles. L’œuvre a été partiellement restaurée une dizaine de fois au cours des dernières décennies, notamment en 2012 et 2018. Pour Pierre Taillefer, conservateur des Monuments historiques du département, cette « accumulation est préjudiciable à la conservation de l’œuvre et à sa présentation esthétique ». Le comité scientifique réuni à l’issue d’un diagnostic complet du triptyque a décidé d’une restauration fondamentale (portant sur l’intégralité de l’œuvre, et pas seulement sa couche picturale externe) qui durera un an et demi.

Au terme de ce travail, le triptyque devrait faire l’objet d’une exposition-dossier au Musée du Louvre. À cette occasion, le retable moulinois pourra retrouver les portraits de Jean Hey conservés par le musée parisien et peut-être effacer les derniers doutes qui subsistent quant à son attribution.

La valorisation et la mise en accessibilité de la sacristie de la cathédrale et de son retable s’inscrivent dans une politique d’ouverture des trésors d’églises menée depuis une vingtaine d’années par le ministère de la Culture. Le programme documenté en 2003 dans un guide pratique d’aménagement des trésors d’objets religieux porte aujourd’hui ses fruits avec l’ouverture de nouveaux lieux, comme à Auch en 2015, ou Angoulême en 2016, et la rénovation de nombreux trésors (Saint-Denis, Troyes, Chartres…). Cette année, sont également lancés les chantiers de rénovation des trésors de la cathédrale de Metz et d’Autun, ce dernier étant aussi financé par le plan de relance. À Chartres, il faudra attendre 2023 pour retrouver le trésor de la chapelle Saint-Piat.

Un chef d’œuvre trop peu connu  

Retable. « Le triptyque est un chef-d’œuvre de la peinture française, un jalon incontournable dans l’histoire de l’art occidental, et une source inépuisable d’interrogations et d’émerveillement, s’enthousiasme Pierre Taillefer dans les colonnes de La Semaine de l’Allier. Accompagner sa restauration est la plus belle aventure dont un historien de l’art et conservateur du patrimoine puisse rêver ! » Pourtant, le retable de la cathédrale de Moulins ne jouit pas de la même reconnaissance que d’autres œuvres religieuses, comme le retable d’Issenheim, conservé au Musée Unterlinden, ou l’Agneau mystique de la cathédrale Saint-Bavon à Gand. Daté du tout début du XVIe siècle, son attribution a longtemps fait débat avant de se fixer sur Jean Hey, peintre français d’origine flamande ayant servi à la cour du duché de Bourbon. Ce sont notamment les radiographies réalisées par la conservatrice Magdeleine Hours, dans les années 1960, qui aboutissent à cette attribution. L’identité des commanditaires ne fait, elle, pas de doute : Pierre II de Bourbon, son épouse Anne de Beaujeu et leur fille sont représentés sur les deux panneaux latéraux du retable. Le panneau central développe le thème de la Vierge en gloire, qui fait la synthèse de l’iconographie flamande et d’un style italianisant. Les panneaux une fois refermés présentent sur le revers une annonciation traitée en grisaille, dans un décor gothique étonnamment illusionniste. Chef-d’œuvre de la Renaissance, le triptyque est aussi un morceau de l’histoire patrimoniale française. C’est Propser Mérimée lui-même qui redécouvre l’œuvre en 1837. Le triptyque est alors démembré, mais particulièrement bien conservé. Présenté au public à partir de 1889, c’est aussi l’un des premiers biens mobiliers classé monument historique, dès 1898.

 

Sindbad Hammache

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°584 du 4 mars 2022, avec le titre suivant : À Moulins, le CMN hérite d’un trésor

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