Mauvais rapport(s)

L’avenir du Prado est compromis

Le Journal des Arts

Le 31 août 2001 - 463 mots

Le Musée du Prado vit une période tourmentée. Après l’annonce en mai du projet de transformation du statut de la pinacothèque madrilène, conservateurs et universitaires se sont indignés devant les « faiblesses » du rapport émanant du Boston Consulting Group qui constitue la base du projet de loi. Dans l’espoir de défendre et soutenir le service public, ils ont adressé une lettre à Eduardo Serra, président de la Fondation du Prado.

MADRID (de notre correspondant) - En mai dernier, Eduardo Serra, président de la Fondation du Musée du Prado, rendait officielle, au cours d’une conférence de presse, son intention de transformer le musée madrilène en société publique (lire le JdA n° 127, 11 mai 2001). Avant que le projet de loi, rédigé par l’ancien ministre de la Défense, ne soit présenté au Parlement, les quinze conservateurs du musée, soutenus par des universitaires, se sont élevés contre cette initiative. Dans une lettre adressée à Eduardo Serra, ils ont longuement critiqué le rapport du Boston Consulting Group justifiant le changement de statut de l’institution. Outre l’absence de nombreux points de vue et “la pertinence douteuse des interviewés”, les conservateurs ont noté que tous les éléments de comparaison avaient été choisi en Amérique du Nord alors que les institutions les plus proches du Prado, dans leur structure et leur gestion, sont européennes (le Rijksmuseum d’Amsterdam, le Kunsthistorisches Museum de Vienne ou l’Alte Pinakothek de Munich). En ce qui concerne le nombre de visiteurs, les plaignants regrettent que le Musée du Prado ne soit pas considéré comme “principal foyer d’attraction de la ville de Madrid” et jugent “préoccupant” le fait que “le rapport ait été établi sans une étude minutieuse du public du Prado”. De même, “à cause du manque d’espace, le Prado n’a pas pu réaliser, ces dernières années, un nombre suffisant d’expositions importantes”, affirment-ils. Pourtant, le musée espagnol a organisé, au cours de l’année 1999, autant de manifestations que la National Gallery de Londres et quatre de plus que le Louvre.

La perspective du rapport sur le prêt d’œuvres est “alarmante”. “Au cours des forums internationaux, seuls les critères scientifiques sont pris en compte dans le prêt d’œuvres. Changer le statut du Prado conduirait inévitablement à la commercialisation des collections et constituerait une atteinte à leur prestige.” En outre, les plaignants relèvent que “le rapport ne tient pas compte du travail spécifique des conservateurs de musée” et que “le musée est pensé en termes commerciaux. Le visiteur est devenu client”. “Le document a été rédigé en méconnaissance de la réalité du musée et de la réalité socioculturelle espagnole. Les éléments de comparaison ont été utilisés de façon discriminatoire et ne peuvent d’aucune façon constituer la base du projet de loi du Musée national du Prado”, concluent-ils, espérant que leur indignation sera entendue par les parlementaires.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Mauvais rapport(s)

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