Les concerts du vendredi

Découverte de la Salle des Miroirs du Palais de Mantoue

Le Journal des Arts

Le 17 décembre 1999 - 541 mots

Évoquée dans une lettre de Monteverdi, la Salle des Miroirs du Palais ducal de Mantoue, où l’on jouait de la musique, a longtemps intrigué les historiens, avant d’être retrouvée sous des aménagements du XVIIIe siècle. D’intéressants décors peints ont ainsi été dévoilés.

MANTOUE - Dans une lettre adressée en 1610 à Ferdinand Gonzague, alors cardinal à Rome, Claudio Monteverdi écrit que “chaque vendredi soir se joue de la musique dans la Salle des Miroirs”. La pièce à laquelle se réfère le compositeur de Crémone ne peut pas être celle du Palais ducal, connue depuis près de deux siècles comme la Salle des Miroirs. Bien que sa construction remonte au début du XVIIe siècle, elle n’a été baptisée ainsi qu’à l’époque néoclassique, lorsqu’y furent placées les grandes glaces qui la décorent. Après bien des hypothèses, elle a finalement été identifiée : c’est un vendredi soir justement que la Surintendance aux biens artistiques de Mantoue et la Banca Agricola Mantovana ont présenté la Salle des Miroirs perdue – ou “Salle du Miroir”, ainsi qu’elle était nommée dans d’autres documents, tous datés entre 1582 et 1627. Roberto Soggia, architecte de la Surintendance de Mantoue, l’a reconnue sous les murs et les faux plafonds installés lors de la transformation de la pièce en appartement, peut-être en 1735, comme semble l’indiquer une date gravée. La découverte par Paolo Carpeggiani aux Archives nationales de Turin de relevés et de plans de l’architecte Bernardino Facciotto, originaire de Montferrat – alors sous la domination des Gonzague –, et datant des années 1580, lorsqu’il était au service de Guillaume Gonzague, revêt à cet égard une importance capitale. Le nom donné à la salle viendrait d’un miroir circulaire qui, d’après un dessin de Turin, semblait occuper le centre de la voûte en parapluie, en grande partie détruite lors d’un effondrement.

Pour se rendre dans la grande salle de musique où chaque vendredi Guillaume Gonzague recevait ses hôtes, plusieurs chemins, tous très suggestifs, étaient possibles : par la cour intérieure aux Huit façades, en empruntant un escalier hélicoïdal (tous deux réaménagés par Facciotto), ou encore par le Jardin suspendu, en parcourant ensuite un long corridor, dit des Faunes.

Les ornements de la salle retrouvée forment des festons aux motifs végétaux, des grappes et des tonnelles factices sur la voûte disparue, des jeux de chérubins dans les lunettes et, sur les murs, des ciels roses. Une fois dépouillées des ajouts successifs, une quinzaine de lunettes sont apparues, œuvres de deux artistes : Giulio Rubone et Ippolito Andreasi, plus habile que son confrère. Andreasi serait l’auteur du projet de décoration et ne serait intervenu que pour retoucher quelques détails des peintures de Rubone. Il en va de même pour le corridor des Faunes, qui était et demeure orné de peintures du même style, imitant des colonnes rustiques, des arcs en pierre, peuplés de satyres masculins et féminins.

Pour terminer, une curiosité : dans le “petit passage” qui conduisait de l’appartement privé de la duchesse à la salle de musique se trouvaient trois peintures, inventoriées en 1627, dont deux (Esther et Assuérus et Les Neuf muses) figurent aujourd’hui dans les collections de Hampton Court ; en 1629, la collection de famille avait dû être vendue à Charles Ier d’Angleterre pour éponger les dettes de l’État.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°95 du 17 décembre 1999, avec le titre suivant : Les concerts du vendredi

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