Réouverture

Le temps suspendu

Après une rénovation de quatre années et une campagne de restauration des peintures, le Musée national Jean-Jacques Henner a retrouvé son cachet du XIXe siècle

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 10 novembre 2009 - 690 mots

PARIS - Après quatre ans de fermeture destinés à réaliser des travaux de rénovation et de mise aux normes de ses installations techniques, le Musée national Jean-Jacques Henner (1829-1905) a rouvert ses portes au public le 7 novembre.

Depuis son inauguration, en 1924, le musée est installé dans un hôtel particulier du 17e arrondissement parisien, avenue de Villiers. Construit entre 1876 et 1878, l’édifice avait été acquis en 1921 par la femme du neveu du peintre en vue d’en faire un musée, avant de le transmettre à l’État en 1923. À la fois demeure et atelier d’artiste, les lieux ont été habités non par Jean-Jacques Henner, mais par un de ses contemporains, le peintre Guillaume Dubufe (1853-1909), dont les goûts témoignaient d’un penchant certain pour l’éclectisme comme le montrent les décorations de l’hôtel : les moucharabiehs égyptiens (pour le patio du premier étage) côtoient des éléments architecturaux inspirés de l’Alhambra de Grenade, de la faïence de Delft ou de l’art chinois. Responsable du chantier, l’architecte Jean-François Bodin – qui a également été choisi pour la rénovation du Musée national Picasso – a redonné aux lieux leur aspect initial, opération qui a consisté à retrouver les couleurs d’origine et à déplacer les ascenseurs qui défiguraient l’espace central de cet hôtel à trois étages. L’accueil a été amélioré tandis que le musée est désormais accessible aux personnes à mobilité réduite.

Important fonds graphique
Le parcours a été organisé de manière chronologique pour suivre la carrière de ce peintre originaire d’Alsace, prix de Rome 1858 avec Adam et Ève trouvant le corps d’Abel (une esquisse est exposée). À son retour d’Italie, Henner réalise de nombreux petits paysages et des scènes de genre, avant de s’essayer au naturalisme. Son tableau L’Alsace. Elle attend, personnification de l’Alsace en deuil après la défaite de 1870, lui apporte un succès immédiat. La peinture trône dans le bureau de Gambetta qui l’appelle « sa fiancée ». Alors que les artistes impressionnistes s’apprêtent à bouleverser le cours de l’histoire de l’art, Henner s’oriente vers une production inspirée de l’Antiquité à l’image de ses Naïades (1877), des nus féminins aux cheveux roux dont les corps d’une blancheur d’albâtre se détachent de décors crépusculaires inspirés des paysages alsaciens. Portraitiste mondain – Henner a réalisé plus de 400 portraits –, il envoie régulièrement au Salon et aux Expositions universelles des tableaux historiques ou religieux, tel Le Christ aux donateurs (1896-1903), devenant un peintre officiel par excellence. « Malgré une carrière complètement académique, Henner a su préserver une réelle indépendance stylistique », tempère Rodolphe Rapetti, directeur du musée citant l’audace de l’artiste quand il fait disparaître dans l’obscurité de sa toile le bras de Saint Sébastien (1888). Le tableau siège au milieu de l’ancien atelier de Dubufe – grande pièce lumineuse agrémentée d’une impressionnante baie vitrée –, au troisième étage, où s’achève la visite avec l’ensemble des œuvres postérieures à 1880. À cette période, Jean-Jacques Henner est à l’apogée de sa notoriété, la pratique du sfumato dont il entoure ses nus blafards étant devenue sa marque de fabrique.
La collection du Musée Henner compte aujourd’hui 539 peintures – moins d’un tiers est exposé –, provenant essentiellement de la donation de 1923, enrichie depuis par des dations, legs, dépôts des musées nationaux (Le Louvre et Orsay) et quelques récentes acquisitions. La majorité d’entre elles ont fait l’objet de travaux de restauration à cette occasion. Le musée possède également des documents, objets personnels, travaux préparatoires et quelques œuvres d’autres artistes que collectionnait Henner, comme Paul Dubois, Adolphe Monticelli, Antoine Vollon… Sans oublier un important fonds d’art graphique (dont un millier de dessins de Jean-Jacques Henner) qui sera dévoilé au public par roulement dans les petites salles du deuxième étage. Pour son inauguration, le musée présente ainsi la suite complète de la série de gravures de tauromachie de Goya (3e édition, 1876). Dans une ambiance où le temps semble avoir été suspendu, le public peut redécouvrir l’œuvre et l’univers d’un artiste trop souvent réduit à son image de peintre académique et bourgeois.

Musée national Jean-Jacques Henner, 43, avenue de Villiers, 75017 Paris, tél. 01 47 63 42 73, www.musee-henner.fr, tlj sauf mardi et certains jours fériés 11h-18h

MUSÉE J.-J. HENNER
Coût des travaux : 1,5 million d’euros
Architecte : Jean-François Bodin
Directeur du musée : Rodolphe Rapetti, conservateur général du patrimoine
Nombre de peintures signées Henner conservées : 539

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°313 du 13 novembre 2009, avec le titre suivant : Le temps suspendu

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