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RÉCOLEMENT

Le récolement décennal avance à petit pas

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2023 - 826 mots

La Commission du récolement des dépôts d’œuvres d’art constate des progrès, bien qu’insuffisants. De nouveaux outils devraient faciliter la tâche des déposants.

Récolement d'un tableau de l'école florentine. © Ministère de la Culture
Récolement d'un tableau de l'école florentine.
© Ministère de la Culture

France. « Des institutions pas toujours au rendez-vous de leur obligation légale ou réglementaire de récolement décennal » malgré des « améliorations […] enregistrées cette année » : tel est le constat dressé par la Commission du récolement des dépôts d’œuvres d’art (CRDOA) en introduction du rapport de 2022, publié cet été. Les objectifs du deuxième exercice décennal, entamé en 2016, sont loin d’être atteints. Pour tenir la cadence, les grandes institutions déposantes doivent récoler 10 % de leurs collections en dépôt : un rythme que seul le Mobilier national respecte (et excède même, avec 17,5 % des dépôts inspectés en 2022). Pour les autres grands déposants, le taux de récolement en 2022 oscille péniblement entre 0,8 % et 5 %.

Un nombre d’objets à récoler extrêmement élevé

En partie freiné par la crise du Covid-19, le deuxième récolement décennal s’achèvera fin 2025. Les dépositaires ont ainsi trois ans pour inspecter les 40 % restants de leurs dépôts, soit : 58 126 œuvres pour les musées nationaux, 22 560 pour le Centre national des arts plastiques (Cnap), 10 000 pour le ministère des Armées. Cas particulier, la Manufacture de Sèvres, qui dépose de petits et nombreux objets de vaisselle, doit inspecter 104 927 pièces avant 2026. Le Centre des monuments nationaux, le plus petit déposant, doit encore récoler 80 % de ses œuvres disséminées, soit 1 784 objets. Malgré le constat d’un objectif légal inatteignable, le rapport veut noter « des évolutions positives ». « Nous progressons sur les plaintes et les disparitions, précise ainsi Évelyne Ratte, présidente de la CRDOA. Les conservateurs y étaient réticents. Déposer plainte leur semblait porter atteinte à leur pratique professionnelle et engendrait une forme de culpabilité. Les jeunes générations ont compris que déposer une plainte était une pratique professionnelle. »

Une simplification réglementaire de 2017 permet également d’accélérer le traitement des missions de récolement. Au Mobilier national – que le rapport présente comme un bon élève, grâce à une récente réorganisation de ses services d’inspection –, le taux de plaintes restant à déposer est ainsi passé de 40 % à 4 %, de 2019 à 2022. Le taux de disparition des œuvres grimpe à 31 % : un pourcentage largement faussé par les dépôts anciens de la Manufacture de Sèvres, de petits objets fragiles, qui s’égarent facilement. Sans tenir compte de sa vaisselle, le pourcentage d’œuvres récolées considérées comme disparues chute à 15 %.

Autre motif de satisfaction, la rapidité avec laquelle les institutions produisent leurs rapports post-récolement, notamment dans les musées nationaux. Une évolution que la présidente de la CRDOA attribue à la crise sanitaire : « Le Covid a eu un effet curieux : comme les déplacements étaient limités, les institutions ont mis à jour beaucoup de récolements produits, qui résultaient de missions exécutées auparavant. J’ai l’impression que le fait de mettre tout cela sur papier a boosté l’intérêt pour le récolement. »

Nouveaux outils et mutualisation des inspections

De nouvelles méthodes de récolement sont également mises en avant par la CRDOA, qui pourraient faciliter les missions à l’avenir. À l’image du récolement à distance, « une initiative à mettre au crédit du Cnap », précise Évelyne Ratte : la mission d’inspection est menée par le dépositaire, sur les instructions de l’institution déposante. Une forme de confiance qui permet aux institutions dont les œuvres sont particulièrement disséminées, comme le Cnap, d’accélérer le récolement. L’outil est à « utiliser avec discernement, met néanmoins en garde Emmanuel Pénicault, directeur des collections du Mobilier national. Le récolement est une opération matérielle et intellectuelle ; c’est aussi l’occasion de se pencher à nouveau sur nos collections. Dans le cas d’une ambassade lointaine, effectivement on pourra se contenter d’un récolement à distance. »

La mutualisation des missions de récolements entre institutions déposantes est également encouragée, à travers la création d’une plateforme en ligne (Osmose). Sur cette dernière, les missions d’inspections programmées sont affichées par les institutions : si Sèvres inspecte les œuvres déposées dans une préfecture, le Mobilier national ou le Cnap peuvent ainsi demander à ses inspecteurs de contrôler leurs œuvres déposées dans le même lieu. « Il y a quelques années, c’était impensable, affirme Évelyne Ratte. Aujourd’hui, ça marche de mieux en mieux, notamment pour les missions à l’étranger. »

C’est toutefois sur le département de Paris – siège de la plupart des grands déposants – que la CRDOA insiste dans son dernier rapport. Le taux de récolement (hors Assemblée nationale, Sénat, et autres institutions d’État qui font l’objet de rapports spécifiques) y est particulièrement faible (54 %), pour un nombre de dépôts très élevé (39 000). Le chiffre est dopé par les dépôts de musée à musée, ainsi que par un grand nombre d’œuvres du Cnap : des institutions accaparées par d’autres missions, ou de grands projets (comme le déménagement du Cnap), et dont les équipes ne sont pas extensibles. La problématique des effectifs n’a pas échappé à la CRDOA, alors que de plus en plus de missions de récolement sont confiées à des sociétés sous-traitantes.

La commission de récolement des dépôts d'œuvres d'art (CRDOA)

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°618 du 6 octobre 2023, avec le titre suivant : Le récolement décennal avance à petit pas

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