Lyon

Le parking Terreaux

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 22 septembre 2014 - 429 mots

L’été, on les voit sourdre par familles entières, en joggant, à vélo, cheminant, landaus décapotés, depuis les berges sous la Porte des Enfants du Rhône. Les Lyonnais vont au parc, en bandes organisées, fouler la Tête d’Or.

C’est ainsi qu’en 1857 la cité a nommé son jardin où d’après la légende gît la précieuse caboche d’un Christ. Depuis cette entreprise, enterrer des magots est comme la cervelle de canut ou les grattons de canard, une affaire lyonnaise. La ville entière s’est fendue pour de nouveaux trésors, marqués non d’une croix mais d’un « P » jaune sur un fond noir. L’indice laissé par Yan Pennor’s essaime sur les pentes de la Croix-Rousse autant qu’au long du Rhône et de la Saône, marquant de-ci, de-là les « Parks » où gisent les œuvres souterraines de Georges Adilon, Lawrence Weiner, Joseph Kosuth, François Morellet, Valérie Jouve et bien d’autres encore. Il n’y a pas de roses ou de flamands comme à la Tête d’Or, pas plus que de saintes reliques. Lesdits « P » désignent des parkings que la ville a voulu transformer en réseau de musées souterrains, avec le concours de Jean-Michel Wilmotte et du galeriste Georges Verney-Carron.

Les chercheurs d’art n’ont pas à forer trop loin ; ils n’ont qu’à suivre les panneaux, fléchés comme des abeilles, pour s’engouffrer au choix sous le Théâtre des Célestins, la République ou Gros Cailloux. C’est alors vingt mille yeux sous la terre, de simples bétaillères à ferraille changées par la grâce de l’art et le génie des architectes en lieux de vie urbaine. Gare à ceux qui s’y garent et deviennent malgré eux archéologues au futur antérieur. On peut visiter ces galeries de Lascaux sans acquitter le prix d’un ticket de stationnement. Ainsi du « P Terreaux » qui, au niveau de la place du même nom sévèrement « burenisée » en 1994, donne la ville aux piétons, fouillée façon Matt Mullican. On entre au Park sur une dalle de granit noir et qui rend sous les pieds un ancien plan de Lyon. La fosse entière semble portée sur les anciens remparts du site, dont l’artiste américain rend les escarpes et contre-escarpes au niveau inférieur.

De garage en château fort, le « P Terreaux » devient chantier-bocal. Au sol du sous-sol est encastrée une vitrine emplie de fers à cheval, sabots de cuir, cuillères et broches, imitations d’antiques organisés en paires. Le gardien, ainsi blotti dans sa guérite, veille l’œil en gris couleur écran de surveillance sur les autos et sur la collection de faux objets trouvés au fond de la fosse.

Où ?

23 place des Terreaux
69001 Lyon

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°672 du 1 octobre 2014, avec le titre suivant : Le parking Terreaux

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