Musée

Vevey (Suisse)

Le Musée Jenisch

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 8 octobre 2012 - 485 mots

Les radars du Grand Tour sont les gardiens du paysage. À 100 km/h, on peut quitter la route pour mirer, comme Byron et Rousseau, les rivages du Léman.

Le musée Jenisch Vevey  © Photo Dirrival, 2012 - CC BY-SA 3.0
Le musée Jenisch Vevey.
Photo Dirrival, 2012

Les matins de septembre, le lac ne sait pas s’habiller. Printemps/été, automne/hiver, il porte une veste mi-saison. Son voile bas et lourd flotte sur lui comme un couvercle, prêt à sauter. Sur cette vue, belle, inquiétante, même à 10 heures le jour paraît tomber. On dirait ce Courbet qui couche le soleil sur les eaux lémaniques en 1874 depuis la maison de Bon-Port, où il arrive à temps pour la fin de sa vie. Ce morceau de bravoure est conservé non loin de là, au Musée Jenisch de Vevey, en Suisse.

Autant le dire d’emblée, cet endroit est hanté. Des fantômes ont reçu pour mission d’on ne sait quelle autorité d’en garder les cimaises hors du temps. Offert à la ville par la veuve d’un sénateur hambourgeois à la fin du XIXe, ce palais néoclassique est un relais-mémoire pour pèlerins romantiques, lords et relaps. Rome est loin du pays de Vaud, mais aujourd’hui encore le détour est rentable pour les piqués du spleen. À Jenisch, fraîchement rouvert, on s’engage sous un moulage du Parthénon collé en toute bonne foi dès l’origine sur le fronton. Sitôt à l’intérieur, c’est la fête des vignerons, L’Été et les moissons (1918) ; mais attention, la fresque d’Ernest Biéler se boit avec les yeux. Pour le reste, les esprits sont conciliants. Si vous aimez avoir du vague à l’âme, ils feront sauter les plombs et vous guideront dans une lumière naturelle filtrée à cœur. Rien de mieux pour révéler pêle-mêle un Portrait de Max Buchon (1855) par Courbet en pré-Fifre, celui de Berthe Hodler par son Ferdinand de mari, les Rochers à marée basse (1917) de Vallotton, le Piston de courant d’air (1914) de Duchamp et, comme si sa place n’était que là, la Vierge aux tournesols (1638) de Pierre Brebiette.

À l’instar des matriochkas, les grandes pièces du musée ne servent qu’à renfermer les plus petites, plus fragiles et précieuses. Sous la verrière du premier étage deux alcôves intimes se taillent une part de l’ombre, l’une pour le dessin et l’autre pour l’estampe. On ne se tromperait pas à y passer la nuit pour se faire des histoires. Voyez l’Oiseau d’un suiveur de Giovanni da Udine voler avec le Sanglier klecksographié de Grimm devant l’eau-forte d’un Pissarro pantois. Alors que tout semble acquis au passé, Jenisch sourit au présent avec les mines réjouies de Tony Cragg et de Mona Hatoum. Ici, le directeur et ses conservatrices ne se foulent pas : ils ne montrent que ce qu’il y a de plus beau.

Où ?
Le Musée Jenisch est situé avenue de la Gare 2, à Vevey (Suisse).

Comment ?
Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h, fermé le lundi.Tarifs : 10 et 8€.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°651 du 1 novembre 2012, avec le titre suivant : Le Musée Jenisch

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