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Le Musée de Soissons entame sa modernisation

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 12 mars 2024 - 937 mots

SOISSONS

En 2023, le Musée Saint-Léger ouvrait deux parcours rénovés qui donnent un aperçu de sa transformation à venir.

Une des nouvelles salles du Musée Saint-Léger inaugurée en 2023. © Ville de Soissons
Une des nouvelles salles du Musée Saint-Léger inaugurée en 2023.
© Ville de Soissons

Soissons (Aisne). En octobre dernier, le département de l’Aisne fêtait l’ouverture de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts. À une vingtaine de kilomètres du château de François Ier, c’est une inauguration plus modeste, en deux temps, à laquelle ont pu assister les Soissonnais. Le Musée d’art et d’histoire de la ville, abrité dans une ancienne abbaye, ouvrait deux parcours, le premier, en avril, consacré à l’art ancien, puis un second couvrant les XIXe et XXe siècles en novembre. Cette nouvelle exposition permanente de 300 m2 annonce la grande réfection du musée municipal portant sur toute l’abbaye. Un parcours occupant les 2 000 m2 du bâtiment (église comprise) est ainsi à l’étude afin de remettre le musée au cœur de la ville.

Pour l’heure, le site de Saint-Léger est loin d’être bien identifié par les habitants de Soissons. Christophe Brouard, directeur des musées de la ville depuis 2018, se félicite néanmoins d’une hausse de la fréquentation en 2023 après l’ouverture de ses nouvelles salles d’exposition : 11 000 visiteurs, le chiffre reste modeste pour l’agglomération de 50 000 habitants, pôle d’attractivité au sud du département. « Aujourd’hui, nous avons pour l’essentiel un public acquis. Le public non acquis ne s’intéresse pas forcément au musée ; ici, la principale préoccupation n’est pas de se choisir une activité culturelle pour le week-end », explique le directeur.

L'ancienne abbaye Saint-Léger de Soissons héberge le musée du même nom. © Ville de Soissons
L'ancienne abbaye Saint-Léger de Soissons héberge le musée du même nom.
© Ville de Soissons

L’ambition d’un musée modernisé était portée dès 2015 par François Hanse, adjoint au maire chargé de la culture, qui évoquait alors « un grand musée pour le XXIe siècle » dans les colonnes du Journal des Arts. La politique culturelle de la nouvelle équipe municipale (Divers droite, élue en 2014 après un mandat du maire PS Patrick Day) suscitait alors de vives polémiques, entraînant la démission du directeur des musées Dominique Roussel. Une petite décennie plus tard, les orientations très « grand public » de la municipalité semblent s’être adaptées à la réalité des équipements soissonnais. « Auparavant, l’Arsenal [musée d’art contemporain de la ville] fonctionnait comme un vrai centre d’art, explique Christophe Brouard. Depuis 2015, il pouvait présenter l’aspect d’un lieu périodiquement fermé. Aujourd’hui, on y maintient une programmation ambitieuse. »

Un musée obsolète et difficile d’accès

Si l’Arsenal a retrouvé son rôle de lieu de diffusion de l’art contemporain, le Musée Saint-Léger a conservé une muséographie datée. Au rez-de-chaussée de l’ancienne abbaye, les équipes du musée s’affairent au démontage de la partie archéologique de l’ancien parcours : les étapes de la riche histoire du territoire étaient illustrées par de grandes maquettes-diorama, mais aussi par des marches pour chaque séquence. Une allégorie en escalier de la course du temps qui ne colle plus avec les enjeux d’accessibilité d’aujourd’hui. Sans ascenseur pour accéder à l’étage, où se situe le nouveau parcours, et présentant de nombreuses ruptures de niveaux – comme tout monument historique –, l’accessibilité de l’abbaye Saint-Léger reste à faire.

L’accrochage du musée ne répond plus au goût du jour. « Nous étions encore dans la disposition des années 1930, avec de vrais besoins de réflexion des surfaces au sol et au plafond », retrace Manon Jambut, chargée des collections du musée. Les deux salles inaugurées en 2023 ont clarifié le propos et la disposition des lieux, à peu de frais : 150 000 euros ont été alloués à cette transformation en deux temps, avec l’appui des services techniques de la ville. Un chantier test qui présente aux habitants et à la municipalité ce que pourrait être le musée de demain : « On propose une scénographie très simple, abordable, qui permet de mieux appréhender les collections. Une de nos préoccupations est de redonner du sens aux œuvres, d’évoquer leurs dimensions matérielles et leur fonction », précise le directeur.

Ces deux salles organisées tout en longueur jouent sur deux registres : sur un mur des œuvres réunies thématiquement, et en face un accrochage de salon, plutôt bas, qui évoque leur présentation d’origine dans les intérieurs des notables locaux. « Le public nous dit parfois que ça lui rappelle Chantilly : c’est très bien, c’est l’effet escompté », se réjouit Christophe Brouard. « Le choix d’un accrochage serré nous permet aussi de signifier que l’on a plein d’œuvres à montrer dans nos collections. Le message est clair ! », ajoute la chargée des collections.

Au centre des deux pièces, construites en miroir, les cimaises déploient les points forts de la collection. Clovis trône ainsi au cœur de la salle d’art ancien, grâce à une acquisition exceptionnelle de la Ville auprès de la galerie Sarti : un grand portrait du caravagesque Orazio Riminaldi, où le roi des Francs pose une main sur le fameux vase, « la tarte à la crème redondante qu’il fallait affronter », souffle le directeur. Présenté à l’hôtel de ville en novembre dernier, cet achat de 220 000 euros (grâce au concours de l’État, de la Fondation La Marck et des Amis du musée) signe l’implication retrouvée de la ville et du tissu local dans le destin du musée.

Orazio Riminaldi (1593-1630), Clovis, c. 1625, huile sur toile, 134 x 98 cm. © Galerie Sarti, Paris
Orazio Riminaldi (1593-1630), Clovis, c. 1625, huile sur toile, 134 x 98 cm.
© Galerie Sarti, Paris


D’autres acquisitions montrent l’ambition de cette politique, avec le retour dans les collections d’artistes locaux, comme Louis-Victor Lavoine. Mutilées par différents conflits du XXe siècle, les collections soissonnaises racontent aujourd’hui une histoire à trou que les équipes du musée veulent combler. Un enjeu essentiel pour la future programmation qui prend peu à peu une tournure territoriale : « Ce n’était pas une préoccupation initiale, mais l’histoire locale s’invite de plus en plus dans la réflexion. Le musée devra être une boussole pour les habitants », annonce Christophe Brouard. En attendant cette grande refonte, le directeur ne ménage pas ses efforts pour faire venir les habitants et le public scolaire étonnamment absent.

Musée d’art et d’histoire Saint-Léger,
2, rue de la Congrégation, 02200 Soissons.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°628 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Le Musée de Soissons entame sa modernisation

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