Belgique - Musée

Museum Hof van Busleyden

Le musée de Malines reprogrammé par son public

Par Isabelle Manca-Kunert · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2024 - 843 mots

MALINES / BELGIQUE

Des travaux de rénovation et une enquête menée auprès de ses visiteurs ont offert au musée belge du XVIe au XVIIe siècle la possibilité de réorienter sa politique d’exposition.

Nouvelle salle présentant les collections permanentes du musée Hof van Busleyden à Malines. © Sophie Nuytten
Nouvelle salle présentant les collections permanentes du musée Hof van Busleyden à Malines.
© Sophie Nuytten

Malines (Belgique). Connaissez-vous Malines ? C’est peu probable. Au mieux avez-vous déjà entendu parler du coucou de Malines, une volaille fort prisée des chefs, ou encore des poupées de Malines. Ces statuettes en bois polychrome représentant des saints ont inondé l’Europe et le nouveau monde à partir du XVIe siècle. Tout comme l’albâtre, artisanat dont la ville s’est fait une spécialité. Cette cité flamande, aujourd’hui peu connue par comparaison avec d’autres villes belges, a pourtant été un foyer artistique extrêmement dynamique de la fin du Moyen Âge à l’époque baroque en raison de sa position politique stratégique de capitale des Pays-Bas bourguignons et de siège du Parlement. Une histoire prestigieuse, qui explique son riche patrimoine comptant plusieurs biens inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, mais qui demeure relativement confidentielle.

Pour doper sa notoriété et son tourisme, la commune a misé sur son musée, un équipement au potentiel jusqu’ici sous-exploité. Sa précédente mouture avait en effet de quoi dérouter avec des partis pris d’accrochage très clivants. Nombre de visiteurs étaient ainsi restés cois en découvrant les pièces maîtresses reliées par de longs câbles élastiques à la manière d’une toile d’araignée. L’arrivée providentielle d’une enveloppe financière, permettant de mener à bien les travaux de restauration restés inachevés en 2018, a permis de corriger le tir.

La première œuvre d’art du musée est son écrin, un hôtel particulier Renaissance édifié par le premier maître des lieux, Hiëronymus van Busleyden, l’humaniste qui a donné son nom à cet établissement municipal. Des travaux de restauration portant sur le clos et le couvert ont été parachevés, tandis qu’une aile a été réaménagée afin d’accueillir un café. Enfin le jardin a été repensé, en l’honneur de Rembert Dodoens, d’après le fameux herbier conçu par ce pionnier de la botanique né à Malines. La direction artistique de ce projet a été confiée à la vedette de la scène belge contemporaine : la sculptrice Berlinde De Bruyckere. De quoi braquer les projecteurs sur cette pépite trop discrète.

Le Musée Hof van Busleyden à Malines. © Sophie Nuytten
Le Musée Hof van Busleyden à Malines.
© Sophie Nuytten
Des critiques sévères

L’opportunité de fermer le musée pendant près d’un an a surtout été l’occasion de revoir de fond en comble le parcours selon une démarche originale. « Pour réaccrocher le musée, nous nous sommes appuyés sur les conclusions de l’enquête que nous avons réalisée avec un panel de visiteurs, résume Hannah Thijs, la directrice des collections. Nous leur avons demandé leur avis sur le musée et leurs propositions pour améliorer la présentation et concevoir un lieu qui réponde davantage à leurs attentes. » Les critiques ont été assez sévères, le public trouvant le parcours peu clair et ne comportant pas assez d’œuvres de qualité. Pour amender ce constat, les équipes ont redécoupé le circuit en quatre temps bien plus facile d’accès : « Malines la Bourguignonne », « La cour de Marguerite d’Autriche », « Chez les Sœurs de l’hôpital Notre-Dame ». Et enfin « Chez Van Busleyden », le célèbre humaniste qui a notamment accueilli Erasme et le poète Thomas Moore entre ces murs.

Afin d’étoffer son offre, le musée a par ailleurs sollicité de nombreux prêts et dépôts auprès d’institutions de référence dont le Musée royal des beaux-arts d’Anvers. La politique d’expositions a également été revue en cohérence avec la nature des collections et le patrimoine malinois. À l’image de la manifestation inaugurale, qui célèbre le fameux ordre de la Toison d’or dont l’histoire est étroitement liée à celle de la cité. Le public a par ailleurs regretté que l’établissement ne représente pas assez la diversité ni la création contemporaine. Les différents fonds du musée couvrant essentiellement les XVIe et XVIIe siècles, il était logique que l’on n’y trouve pas de pièces d’art actuel ni d’œuvres reflétant la diversité. À l’exception des jardins clos, ces incroyables retables contenant des personnages, des peintures et des fleurs, réalisés dans l’entourage des Sœurs hospitalières et qui sont le clou de la visite. À l’exception aussi des statuettes baroques de Maria Faydherbe (1587-1643), rare sculptrice à être connue de son vivant. En dehors de cette figure malinoise passionnante, désormais mieux mise en valeur dans les salles, les conservateurs ont dû se creuser la tête pour répondre aux doléances. « Sur certains sujets, cela a été difficile de trouver des œuvres qui permettent de développer un propos sans que cela soit artificiel, confirme Hannah Thijs. Pour les salles historiques, nous avons essayé de pallier ce manque d’objets par un complément sonore qui donne la parole aux populations modestes ou marginales qui n’ont pas commandité d’œuvres. Pour l’art contemporain, nous avons en revanche privilégié les prêts et dépôts, souvent en discussion avec leurs auteurs afin de trouver des œuvres qui aient une vraie pertinence. » De fait, hormis quelques erreurs de casting, l’incursion de l’art actuel fait plutôt bon ménage avec les collections. La photographie de Peter Brathwaite revisitant le Portrait d’un Africain de Jan Mostaert est même un joli clin d’œil à celui qui fut le peintre attitré de Marguerite d’Autriche et qui participa au rayonnement culturel de Malines.

Museum Hof van Busleyden,
Sint-Jinstraat 2, Malines, Belgique, hofvanbusleyden.be ; exposition « Chevaliers de la toison d’or, un mythe brillant dévoilé », jusqu’au 2 juin.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Le musée de Malines reprogrammé par son public

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