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Le Musée de la Bible se rachète une conduite

Par Jinane Dolbec · lejournaldesarts.fr

Le 1 avril 2020 - 586 mots

WASHINGTON / ÉTATS-UNIS

Le controversé musée américain restitue une partie de sa collection acquise dans des circonstances troubles. 

Le Musée de la Bible, à Washington
Le Musée de la Bible, à Washington
© Museum of the Bible

Le Musée de la Bible à Washington va rendre 11 500 objets de sa collection d'art biblique à l’Irak et à l’Egypte. Le fondateur du musée, le chrétien évangélique Steve Green, également propriétaire avec son frère d’une importante chaîne de magasins (Hobby Lobby), possède une collection de 30 millions de dollars acquise en partie aux Emirats arabes unis par le biais de marchands d’art israéliens dans des circonstances très suspectes. 

Parmi les objets qui retourneront au Moyen-Orient, on compte 5 000 fragments de papyrus et 6 500 pièces d’argile, dont une tablette cunéiforme retranscrivant l’épopée babylonienne de Gilgamesh. La provenance de ces objets ne pouvant pas être vérifiée, ils sont soupçonnés d’avoir été pillés ou volés. « Je connaissais peu le monde des collections », s’est justifié Green au Wall Street Journal, prétendant ne pas avoir été suffisamment informé de la complexité du processus d’acquisition.

Ce n’est pas la première fois que la controversée famille Green est confrontée à de telles accusations. En 2017, Hobby Lobby avait déjà restitué 5 500 objets à l’Irak et payé une amende de trois millions de dollars dans le cadre d'un accord avec la justice américaine. La société était accusée d’avoir importé des tablettes cunéiformes antiques en prétendant qu'il s'agissait de carreaux de céramique. 

Le musée de Washington a aussi été mêlé à un scandale en 2019 quand l’université d’Oxford a engagé une enquête interne sur Dirk Obbink, l’un de ses professeurs spécialisés en papyrologie. Ce dernier était soupçonné d’avoir volé une dizaine de très vieux fragments de textes bibliques dans les réserves de l’institution et de les avoir vendus …. à la famille Green. 

Bien que le musée affirme avoir mis en place aujourd’hui des protocoles beaucoup plus stricts, il ne parvient pas à dissiper les doutes sur l’authenticité de certains des objets de sa collection riche de 40 000 numéros. Les conservateurs ont choisi la voie de la transparence, inscrivant sur certaines vitrines : « Ces fragments sont-ils vrais ? La recherche continue. »

Ce mois-ci, seize manuscrits de la mer Morte, pièces maîtresses du musée, ont été identifiés comme étant des faux. L'authenticité de ces fragment, arrivés sur le marché en 2002 et dont l’origine demeure inconnue, était remise en question depuis un certain temps. Des analyses au microscopes ont finalement démontré qu’il ne s’agissait pas de parchemin mais de cuir. 

Les manuscrits de la mer Morte sont un ensemble de parchemins et de fragments de papyrus principalement en hébreu, mais aussi en araméen et en grec, mis au jour pour la plupart entre 1947 et 1956 à proximité du site de Qumrân, en Cisjordanie. Ce sont les textes bibliques les plus anciens connus, et la plupart d'entre eux sont conservés au Musée d'Israël à Jérusalem. Il existe environ 100 000 fragments authentifiés, et ceux du Musée de la Bible faisaient partie d'un groupe d'environ soixante-dix fragments jusqu'alors inconnus. 

Les frères Green sont décrits comme de fervents évangéliques, opposés à l’avortement. Né dans la controverse, le gigantesque Musée de la Bible s’est donné pour mission de raconter l'histoire du livre saint, les récits contenus dans l'Ancien et le Nouveau Testament et leurs influences dans le monde. Construit pour un coût de 500 millions de dollars, le bâtiment de briques de 40 000 mètres carrés est situé à quelques rues du Capitole, un emplacement qui a soulevé de nombreuses questions sur sa proximité avec le pouvoir législatif et le poids de ses activités de propagande et de lobbying pour les causes conservatrices.
 

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