Rénovation

Le Luxembourg construit son passé

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 5 mai 2015 - 741 mots

Le réaménagement de l’aile Wiltheim du Musée national et l’ouverture du Musée « des Trois Glands » contribuent à forger l’identité du pays.

LUXEMBOURG - La réouverture le 19 mars après d’importants travaux de rénovation de l’aile Wiltheim du Musée national d’histoire et d’art (MNHA) du Luxembourg dépasse largement les enjeux muséologiques. Il s’agit ni plus ni moins que de forger l’histoire et l’identité récentes du Grand-Duché. Le Luxembourg est en effet un État jeune. La ville est passée successivement des Pays-Bas à l’Espagne, puis à l’Autriche et à la France avant d’acquérir son indépendance à la fin du XIXe siècle. Déjà, l’incertitude sur la date exacte du début de sa souveraineté ne facilite pas la construction de son identité. Est-ce 1839 quand le Luxembourg est partagé en deux et que la partie occidentale rejoint la Belgique ? 1867 quand il obtient le statut d’État ? 1890 avec l’avènement au trône du grand-duc Adolphe ? Luxembourg-Ville a surtout été dans son histoire une forteresse militaire, aucun prince n’y a résidé suffisamment longtemps pour créer un foyer artistique et accumuler des objets d’art. Les collections du MNHA s’en ressentent et relèvent plus d’un beau musée de région que d’un musée national, bien qu’y figure une belle section archéologique. Le Bacchus, Vénus et l’Amour (vers 1535-1539) de Rosso Fiorentino est l’œuvre la plus importante du musée.

Alors que le bâtiment principal du musée, situé au cœur de la Vieille Ville, avait été entièrement reconstruit en 2002, l’aile installée dans trois maisons attenantes datant du XVIe-XVIIe siècle avait été peu rénovée. Au terme de trois ans de travaux, elle vient de rouvrir, augmentant de 1 800 mètres carrés les surfaces d’exposition du musée. L’opération, financée par le Fonds de rénovation de la Vieille Ville pour un coût de 7,9 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 2,1 millions pour la muséographie, est d’abord patrimoniale.

Tout en consolidant « au cordeau » (l’influence germanique !) le bâti et la décoration historique, les architectes ont mis le site aux normes d’un bâtiment accueillant du public. Des percements ont été effectués afin de faciliter la circulation labyrinthique, un ascenseur desservant les quatre niveaux a été intégré, une nouvelle passerelle en verre a remplacé l’ancienne reliant l’aile au bâtiment principal. « Il était nécessaire de mieux intégrer cette aile », précise Michel Polfer, le directeur du MNHA.
Les collections exposées dans cette aile sont entièrement consacrées à l’art luxembourgeois, dans une large acception du terme pour tenter de donner un peu de volume à un art national limité. Un prologue raconte en textes et en images l’histoire du Grand-Duché, « car les étrangers n’ont pas d’image concrète de l’histoire du pays et de ses collections », poursuit Michel Polfer. Le parcours principal est consacré aux arts décoratifs de la Renaissance au XXIe siècle, les horloges y alternent avec l’argenterie et les armoires. La section beaux-arts, peu étoffée elle aussi, fait la part belle au photographe américain Edward Steichen. L’ancien conservateur du MoMA, né au Luxembourg en 1879 avant que ses parents n’émigrent aux États-Unis, a souhaité donner de son vivant des œuvres au MNHA.

Il y a urgence pour le Grand-Duché à forger son histoire. Près de 44 % des 520 000 résidents sont de nationalité étrangère, et seule la moitié des Luxembourgeois sont de souche locale. À la vitesse où vont les choses, l’identité du pays risque de se réduire à sa langue.

Une forteresse pour l’histoire et l’identité

Construit en 1732 par les autorités autrichiennes pour renforcer la défense de la ville, le fort détaché de Thüngen sert aujourd’hui à défendre l’histoire et l’identité du pays. Transformé en 2012 en « Musée des Trois Glands » (Musée Dräi Eechelen), « un nom pas très heureux », reconnaît François Reinert, le conservateur des lieux, le fort est, de façon injuste, moins connu que le Mudam (Musée d’art moderne Grand-Duc Jean) qui le surplombe.
Remarquablement restauré et aménagé par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, l’intérieur, une suite de casemates, présente 600 objets appartenant au MNHA. Dans un accrochage dense et chronologique que viennent renforcer des outils numériques, les armures, canons, uniformes, cartes anciennes et tableaux d’histoire retracent l’histoire de la forteresse et d’une certaine façon celle du Luxembourg. Un projet de galerie souterraine reliant la Forteresse et le Mudam est dans les cartons depuis de longues années. Sa réalisation serait pertinente pour dynamiser la fréquentation des deux lieux.

Musée Dräi Eechelen (La Forteresse), 5, Park Dräi Eechelen, tlj sauf lundi et mardi, 10h-18h.

Musée national d’art et d’histoire

Marché aux poissons, Luxembourg, www.mnha.lu, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi jusqu’à 20h, tél. 352 47 93 30-1, entrée des expositions temporaires 7 €, entrée libre pour l’exposition permanente.

Consulter la fiche du MNHA du Luxembourg

Légendes Photos :
L'aile Wiltheim du Musée national d'histoire et d'art, Luxembourg.
Vue de la forteresse et du Mudam, Luxembourg.
© Photos J.-C. C.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°435 du 8 mai 2015, avec le titre suivant : Le Luxembourg construit son passé

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