Grenoble

Le conservateur, le maire et le contrôleur

Après la mise en cause de la procédure d’acquisition, un compromis s’ébauche

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1994 - 562 mots

La municipalité de Grenoble est rappelée à l’ordre par la Chambre régionale des comptes au sujet des acquisitions du musée. Un rappport lui reproche de perdre la maîtrise des dépenses en ayant délégué au conservateur du musée une enveloppe globale. \"La réforme de la politique d’achat, en 1988, a eu pour effet d’enlever au conseil municipal toute possibilité d’influer sur les orientations de la politique d’acquisition, puisque celui-ci ne délibère plus désormais que sur le montant annuel des dépenses\", affirme ce rapport.

GRENOBLE - L’adjoint à la Culture à la mairie de Grenoble, Bernard Betto, estime, lui, que la liberté et la confiance accordées au conservateur sont nécessaires au bon fonctionnement du musée : "Le métier du conservateur est d’acheter ; la municipalité prend certes un risque en le soutenant, mais la preuve de sa compétence vient de l’approbation de la communauté professionnelle et de celle du public".

Plaçant clairement la mairie dans un rôle de mécène, Bernard Betto considère que la séparation entre la décision artistique, qui appartient au conservateur, et l’engagement des dépen­ses, qui doit être fait par le conseil municipal, est une bonne chose : "Les élus n’ont pas à juger du beau ; si tel devait être le cas, on se retrouverait dans un système d’art officiel".

À Grenoble, ce rapport de confiance est solide : la mairie, en prévision de l’ouverture du nouveau musée, inauguré en janvier, a augmenté les crédits d’acquisition (environ 2 millions de francs par an depuis 1988), subvention doublée par l’État dans le cadre d’une convention ville-ministère de la Culture. Ces quelque 4 millions de francs étaient alloués globalement au conservateur Serge Lemoine, qui produisait à la fin de chaque exercice budgétaire une liste des acquisitions effectuées pendant l’année.

Une nécessaire souplesse
Par ailleurs, les modalités d’enrichissement des collections d’un musée comme celui de Grenoble, qui dépend de la Direction des musées de France (DMF), sont soumises à l’avis du Conseil artistique des musées classés et contrôlés. Celui-ci évalue l’opportunité de l’achat – s’intègre-t-il ou non dans les collections du musée ? –, la qualité artistique de l’œuvre, et enfin son prix. Ces observations sont transmises au conservateur ainsi qu’au maire qui est le responsable juridique des achats.

Il y a donc une stricte "séparation des pouvoirs" entre d’un côté un expert – le conservateur –, lui-même épaulé par un collège de pairs, et le maire qui, à la suite des délibérations du conseil municipal, engage les dépenses. Tout en reconnaissant la nécessité d’effectuer un contrôle sur l’engagement des deniers publics, Serge Lemoine s’étonne du "manque de discernement" de la Chambre régionale, qui "ne tient pas compte des impératifs propres à l’acquisition des œuvres".

Demander à la ville d’accentuer son contrôle aboutirait à ralentir la procédure d’achat et à rendre plus difficile les acquisitions en vente publique. Serge Lemoine considère que ce contrôle ne doit pas remettre en cause le système d’acquisition : "Le rapport de la Chambre régionale des comptes ne change rien à l’avenir. Si cela devait changer, j’en tirerais les conséquences : soit la ville me soutient, soit je m’en vais. Jusqu’à présent, les élus m’ont fait confiance, et il n’y a pas de raison pour que cela cesse".

La Chambre n’ayant pas convaincu les partenaires, on s’achemine vers un modus vivendi : seules les œuvres d’un montant supérieur à 500 000 francs feront l’objet d’une délibération en conseil municipal.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Le conservateur, le maire et le contrôleur

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