Le choix du conservateur : Bernadette de Boysson

Bernadette de Boysson, Bordeaux

Le Journal des Arts

Le 31 mars 2000 - 544 mots

Une fois par mois, nous invitons un conservateur à choisir une œuvre de son musée qu’il souhaite mettre en avant et faire mieux connaître du public. Bernadette de Boysson, conservateur du Musée des arts décoratifs de Bordeaux, a sélectionné une fontaine murale de la Manufacture de Samadet.

En 1998, le Musée des arts décoratifs de Bordeaux a fait l’acquisition d’une fontaine murale à décor floral de grand feu en faïence stannifère de la Manufacture de Samadet, dans les Landes, rejoignant les legs Périé (1945) et Bonie (1951) et quelques achats plus récents qui sont à l’origine de la collection du musée dans ce domaine – une quarantaine d’objets –, dont cette fontaine est la pièce de forme la plus importante.

Dans la première moitié du XVIIIe siècle, un aristocrate fortuné, l’abbé de Roquépine, baron de Samadet, projette d’installer sur ses terres de Chalosse une fabrique de faïence. L’entreprise est possible : la terre est propice à la composition de la pâte ; les alentours sont suffisamment boisés pour entretenir les fours ; l’abbé de Roquépine ne “déroge” pas. En outre, il a les moyens financiers qui lui permettent d’envisager cet investissement et les relations pour que, des différentes administrations, les autorisations nécessaires lui soient accordées. Selon le schéma classique, l’abbé de Roquépine entre en relation avec un professionnel de la faïence, Le Patissier, originaire de Basse-Normandie. Il travaille à Bordeaux, “commis” à la Manufacture de Hustin, lorsque l’abbé le débauche. Jusqu’en 1838, date de sa fermeture, des textes d’archives jalonnent l’histoire de cette manufacture, histoire complexe dans la succession de ses propriétaires, de ses directeurs et de ses ouvriers.

On reconnaît le tesson de Samadet à sa couleur beige un peu rosée et à une jolie sonorité due à une parfaite homogénéité et à une cuisson bien réglée ; l’émail blanc est parfois teinté de gris, de beige ou de bleu ; la palette de grand feu, observée sur cette fontaine, est caractéristique : bleu, manganèse, vert olive, jaune citron et quelques essais de rouge de fer.

Cette fontaine murale date sans aucun doute de la belle époque de Samadet, c’est-à-dire des années 1775-1780. Sa forme godronnée est classique dans la production de cette époque, de même que la feuille d’acanthe stylisée qui entoure le robinet. L’émail est très beau ; la décoration est inspirée par le motif spécifique de Samadet, le fameux bouquet avec une rose mauve dont les tiges se croisent en formant un X, et cinq fleurs disposées d’une manière symétrique, deux de chaque côté et une en haut, au milieu. Ce bouquet, que l’on peut voir dans son état initial au fond du bassin, est décliné sur toute la fontaine comme un morceau de musique, avec des variations en largeur ou en hauteur, toujours élégantes et inventives. Les fleurs – roses, pavots, renoncules, tulipes et œillets – ont des couleurs profondes et nuancées et offrent un décor exceptionnel. Ajoutons que cette fontaine servait à se laver les mains avant de passer à table et que Monsieur Xavier Petitcol, que je remercie vivement pour son aide, a remarqué que paradoxalement, les bassins et autres pièces destinés à la toilette du matin et du soir étaient nettement moins importants et moins grands que les fontaines pour les ablutions précédant les repas !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Le choix du conservateur : Bernadette de Boysson

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