Jette

L'Atelier 340

Quinze ans de sculpture contemporaine

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 814 mots

À Jette, dans les faubourgs populaires de Bruxelles, l'Atelier 340 poursuit depuis 1979 une politique originale centrée sur la sculpture contemporaine au sens le plus large. Dans un décor de maisons ouvrières désaffectées, Wodek, son « président-concierge », a imposé le 340 comme un point de rencontre, aujourd'hui internationalement reconnu par ceux qui s'intéressent à toutes les formes de création tridimensionnelle.

JETTE - L'aventure du 340 s'affirme originale dans son rejet des conformismes. Né pour accueillir des enfants et les initier à la liberté créatrice, tant dans l'emploi des matériaux que dans la façon de donner forme à leurs sensations, le 340 allait évoluer pour devenir un centre de recherche scientifique en même temps qu'un lieu d'exposition.

Quatre ans après sa fondation, l'Atelier 340 se signalait avec sa première grande manifestation : "La Pierre dans l'art belge contemporain". Un volumineux catalogue accompagnait une présentation qui n'était pas seulement un panorama comme on en découvre peu dans les musées, mais une remise en question du regard même porté sur la sculpture. Suivirent "Surface sculpturale" - sans doute l'exposition la plus importante sur le plan intellectuel - "Animal-végétal, matières non assemblées", ou, récemment, "Le Noir dans le sculptural". Pour fêter ses quinze ans, l'Atelier 340 reviendra cet été sur l'exposition de 1983 pour analyser quinze ans d'évolution de la problématique de la pierre dans l'art belge contemporain. De tels projets n'ont trouvé leur sens qu'au terme de longues recherches menées par des collaborateurs extérieurs et par le Centre de la pierre, créé par le 340 avec l'aide de sponsors privés.

À côté des manifestations thématiques, l'atelier organise et accueille des rétrospectives d'artistes appuyées par d'imposantes monographies qui font date. Ainsi, Walter Leblanc, Jacques Lizène ou Bob Verschueren se sont vu honorer d'imposantes monographies voire d'un catalogue raisonné. La réputation du 340 n'a pas tardé à dépasser les frontières bruxelloises. Certaines de ses expositions ont voyagé aux Pays-Bas ou en Allemagne, d'autres sont venues de France ou de Pologne. Des artistes de premier plan comme Bernard Pages ou Bernar Venet se sont installés au 340.

Une image de squatter
Pour progresser, l'Atelier a besoin de se développer, de se défaire de son image de squatter, de se doter d'une infrastructure qui lui permette d'entrer dans un réseau muséologique en garantissant un respect scrupuleux des normes internationales édictées par l'ICOM. L'image sympathique d'un Atelier 340 implanté dans un quartier défavorisé en utilisant de façon sauvage des maisons abandonnées n'est pas remisée. Il s'agit simplement d'assainir le lieu pour en faire un outil performant. La commune de Jette, propriétaire des bâtiments, a été sensible au projet en signant un bail emphytéotique. La Communauté française de Belgique et son ministre chargé de la Culture semblent enclins à soutenir les frais de rénovation de ce musée privé dans les termes du décret qui régit ces questions (à raison de 60 %). Manque le sponsor privé qui rendra le rêve réalité en investissant quelque 20 millions de francs belges (environ 3,3 millions de francs français).

Le projet tel qu'il se présente aujourd'hui permettrait d'atteindre une surface d'exposition de 2 500 m2 contre 1 500 actuellement. Un parc de 3 hectares permettrait des présentations aujourd'hui impossibles tout en participant à la rénovation d'un quartier défavorisé. En ce qui concerne le projet, les architectes ont tenu à conserver à l'ensemble son caractère populaire. Les quinze maisons qui devraient accueillir le 340 garderont leurs caractéristiques ouvrières et respecteront le tissu urbain. Sans grandiloquence, l'Atelier se composera d'un lieu d'exposition où les manifestations se succéderont sans interruption, un musée dont les collections se présenteront comme le prolongement des thématiques explorées, une librairie spécialisée dans la sculpture, l'assemblage ou la création tridimensionnelle et un café-restaurant polonais. À ce complexe s'adjoindrait le centre de recherche déjà existant, qui pourrait ainsi mieux rencontrer les attentes des étudiants d'art et des spécialistes. Pour Wodek, le pari est de taille. Ce n'est qu'en s'agrandissant que le 340 conservera son indépendance et trouvera sa place sur la scène européenne.

Qualité des réalisations
Comment évaluer l'ambition du 340 ? Structure sauvage dans le paysage muséologique belge, en marge de la politique des galeries, le lieu s'est imposé au fil du temps par la seule qualité de ses réalisations. Le projet n'est pas artificiel et mérite un appui. Dans le domaine de la sculpture contemporaine, la présence du 340 s'impose aux côtés de la Kunsthalle de Mannheim, ou de Vassivière près de Limoges. Les artistes en ont besoin, les spécialistes s'y remettent en question, le public y vient en sachant que les découvertes sont au rendez-vous, les étudiants y trouvent un centre d'étude unique en son genre. Une bonne leçon contre les idées reçues et les partis pris mérite bien un geste. Fasse que les mécènes s'en souviennent !

L'atelier 340, Drève des Rivieren à Jette (Bruxelles), présentera du 1er juillet ou 9 octobre une exposition consacrée à la pierre dans l'art contemporain en Belgique (1983-1993).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : L'Atelier 340

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