Décentralisation

La Tour, l’enfant du pays

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 21 novembre 2003 - 712 mots

La redécouverte en 1993 d’un tableau de Georges de La Tour est à l’origine
de la création, dix ans plus tard, du Musée départemental de Vic-sur-Seille.

 VIC-SUR-SEILLE - Village natal de Georges de La Tour, Vic-sur-Seille, en Moselle, a inauguré son musée dédié au peintre en juin dernier. À l’origine de l’établissement : le Saint Jean-Baptiste dans le désert de La Tour découvert en 1993 par Pierre Rosenberg, alors président-directeur du Musée du Louvre, lors d’une exposition précédant une vente à Drouot. Le tableau fut préempté par l’État pour le conseil général de Moselle qui, dès 1996, lançait l’idée d’un musée destiné à accueillir le tableau et les collections historiques de Vic-sur-Seille. La donation anonyme, en 1998, de 82 peintures du XVIIe au XXe siècle donna au projet une tout autre ampleur. Il fut décidé d’installer l’ensemble des collections municipales et de la donation avec le Saint Jean-Baptiste dans le désert dans une maison du XVIIIe siècle. Celle-ci fut entièrement réaménagée par le cabinet d’architecture Vincent Brossy pour plus de 3 millions d’euros : une installation moderne dans l’esprit d’un cabinet de collectionneur, le tout réparti sur une surface de 960 mètres carrés. Un soin particulier a été apporté à l’éclairage, que les architectes ont voulu naturel, avec de nombreuses ouvertures, un système de puits et de tranchées qui, tout en fractionnant les espaces, permet des regards croisés d’un étage sur l’autre. Les matériaux choisis pour les murs (un bois exotique et des cimaises brun-rouge) confèrent au lieu un caractère chaleureux. Les œuvres sont présentées de manière intimiste, dans de petits espaces. « Le musée a été construit sur un rapport sensible entre la peinture et le spectateur. C’est un bâtiment existant non pas pour lui-même, mais au service des œuvres. C’est le juste équilibre, l’harmonie », se félicite le conservateur du musée Gabriel Diss, qui souligne, à juste titre, le caractère « innovant » du lieu. « Il s’agit d’un rééquilibrage entre secteur urbain et secteur rural. Le département a très bien compris que la culture est vecteur d’une dynamique majeure. » À l’heure où le gouvernement fait de la décentralisation son cheval de bataille, la création d’un tel musée « à la campagne » fait en effet figure d’événement.

Une collection humaniste
Outre le magnifique Saint Jean-Baptiste dans le désert, et le fonds vicois d’histoire et d’archéologie, installé au sous-sol, le musée abrite une importante collection de peintures françaises. Le XVIIe siècle, le XVIIIe et le paysage, le courant romantique, les XIXe et XXe siècles sont répartis sur trois niveaux. « La collection a un sens. Elle répond à des questions d’histoire de l’art, elle interroge le visiteur sur la place de la peinture dans la société. Pour moi, c’est une collection humaniste, qui sort des sentiers battus », précise Gabriel Diss. Le XVIIe siècle parisien est particulièrement bien représenté avec l’Autoportrait avec sa mère de Jacques Stella, la Flore et La Vierge à l’Enfant, deux toiles de Blanchard, L’Enfance d’Hercule de Bertholet Flémal, ou encore deux esquisses de Le Brun exécutées pour Le Christ en croix et Le Plafond de Pandore (hôtel de la Bazinière, quai Malaquais à Paris). Le conservateur déplore cependant l’absence d’un Simon Vouet. Quant à la section paysage, « un autre Corot serait le bienvenu ! », ceci pour accompagner Arbres et rochers du peintre, mais aussi les paysages (souvent des petits formats) signés Valenciennes (À la villa Borghèse : nuages blancs), Joseph Bidauld (L’Horizon), Duclaux (La Lisière du parc), Delaroche (Défilé en Italie), Dupré (La Barrière brisée) ou Clésinger (Souvenir de la campagne romaine).
La collection devrait s’accroître dans les années à venir, « mais nous ne voulons faire entrer que des œuvres de grande qualité, dans la stricte logique de la collection », précise Gabriel Diss. Le musée devrait, en outre, permettre à la région de développer ses activités touristiques. Dès le mois de juin prochain, le département propose ainsi une vaste promenade-exposition pour découvrir le patrimoine religieux de Moselle, au Musée Georges-de-La-Tour et dans une quinzaine d’églises du district.

Musée départemental Georges-de-La-Tour

Place Jeanne-d’Arc, 57630 Vic-sur-Seille, tél. 03 87 05 98 30, tlj sauf lundi, 9h30-12h et 14h-18h d’octobre à mars, et 19h d’avril à septembre, fermeture du 23 déc. au 7 janv. Cat. Serge Domini Éditeur/Conseil général de la Moselle, 35 euros. ISBN 2-912645-54-9

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°181 du 21 novembre 2003, avec le titre suivant : La Tour, l’enfant du pays

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