La mosaïque de plumes de Cuiris

Par Bertrand Dumas · L'ŒIL

Le 28 août 2019 - 396 mots

Un précieux tableau en mosaïque de plumes attribué à Juan Cuiris, le plus grand plumassier aztèque du XVIe siècle, entre par voie de préemption au Musée du Quai Branly.
283 360 €
Le 24 mai dernier, l’État préemptait pour 283 360 euros, frais inclus, cet exceptionnel tableau en mosaïque de plumes confectionné au Mexique dans la seconde moitié du XVIe siècle. L’œuvre, dans un état de conservation remarquable, était dans la même famille française depuis la fin du XIXe siècle avant de rejoindre les collections du Musée du Quai Branly (Paris).
Juan Cuiris
Une partie de la production de tableaux en plumes était destinée à l’export, comme les deux œuvres signées du plumassier Juan Cuiris, aujourd’hui conservées au Kunsthistorisches de Vienne. Lui est également attribué le tableau du Musée du Quai Branly qui possède sur le pourtour de sa composition le même liseré de plumes jaunes qui aurait valeur de signature.
Provenance princière
Au revers du tableau, l’inscription manuscrite « Del principe… », suivie d’un monogramme non identifié, suggérerait une provenance princière rappelant que ces objets du Nouveau Monde n’étaient accessibles qu’aux Européens les plus fortunés, à l’image de l’empereur Rodolphe II, qui posséda jusqu’à « neuf tableaux de plumes des Indes », fleurons de son cabinet de curiosités.
Syncrétisme
Les artisans aztèques utilisaient principalement des plumes de colibri et de quetzal choisies pour leur propriété iridescente. Près de 10 000 furent nécessaires pour concevoir ce paysage boisé avec, au centre, le Christ bon pasteur encadré de la prédication de saint Jean-Baptiste, à gauche, et du baptême du Christ, à droite. Cette dernière scène est inspirée d’une gravure sur bois de l’artiste allemand Hans Wechtlin I. Ce mélange d’iconographie chrétienne et de technique précolombienne révèle un syncrétisme original encouragé par les missionnaires, qui comptaient sur cet artisanat d’un nouveau genre pour séduire et évangéliser les populations autochtones. T>
Plumasserie
La plumasserie, ou la technique des « mosaïques de plumes », était réservée aux textiles funéraires avant que les franciscains ne mettent l’exceptionnelle dextérité des artisans aztèques au service de leur mission évangélisatrice. L’un des exemples les plus précoces de cette production est La Messe de saint Grégoire, chef-d’œuvre du Musée des jacobins d’Auch. Daté de 1539, il fut réalisé à Mexico, dans un atelier de plumasserie où collaboraient deux corporations d’artisans : les tlacuilos, qui dessinaient les modèles inspirés de gravures et les amentecas, chargés de les traduire en mosaïque de plumes.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : La mosaïque de plumes de Cuiris

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