La Madone retrouvée

Un chef-d’œuvre d’Andrea del Sarto récemment identifié

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 9 novembre 2001 - 761 mots

Quatre siècles après sa disparition des collections Médicis, un chef-d’œuvre d’Andrea del Sarto a récemment été identifié. Cette Madone Botti, présentée telle une copie lors d’une vente aux enchères, retrouve désormais sa place au sein de l’œuvre d’un des artistes majeurs de la Renaissance florentine. En cours de restauration à l’Institut Courtauld de Londres, elle y sera exposée à partir du 13 novembre.

Londres (de notre correspondant) - Acheté par un collectionneur européen lors d’une vente aux enchères mineure il y a quatre ans, ce tableau que l’on croyait être une copie de la Madone Botti d’Andrea del Sarto (1486-1530), s’est avéré être l’original. Professeur à l’université Harvard et spécialiste de Del Sarto, John Shearman confirme qu’il s’agit d’”une peinture authentique, qui a regagné sa place dans l’œuvre d’un grand artiste”. Peinte vers 1529, elle est enregistrée pour la première fois dans la collection du marchand florentin Matteo Botti en 1591. En effet, au dos du panneau d’un format de 59 x 41 cm, une inscription à l’encre sur un bout de papier esquisse ces quelques mots : “Madone et enfant par Andrea del Sarto. Provenant des galeries du marquis Botti.” Pendant ces mêmes années, l’érudit Francesco Bocchi la décrit comme “une peinture de Notre Dame tenant l’Enfant Jésus par la main, d’Andrea del Sarto, réalisée avec un zèle extrême, admirée par les connaisseurs et les artistes...” Lorsque Botti fait faillite en 1620, deux tableaux de grande valeur rejoignent les collections de Cosme de Médicis au palais Pitti : la Madone Botti et le portrait de femme dite La Velata de Raphaël. Ornée d’un cadre doré en 1630, qu’elle conserve encore, cette œuvre constituait l’un des fleurons de la collection Médicis. Le tableau n’apparaît pas dans l’inventaire des Médicis ; c’est pourquoi les historiens de l’art moderne l’ont considéré comme perdu. Mais il restait connu grâce à des versions d’atelier ou des copies ultérieures provenant de la Collection royale à Hampton Court, du château de Alnwick, du Allen Memorial Art Museum à Oberlin (dans l’Ohio) et d’une collection privée suédoise. Récemment, lorsque l’œuvre a été séparée de son cadre, une petite étiquette portant l’inscription “SoHo” est apparue, fixée sur le bord interne du tableau. Cette abréviation, datant du XVIIe siècle, faisait référence à la Somerset House qui devint un palais en 1617. À partir de cet élément vérifié dans les inventaires royaux, la peinture a été identifiée dans une liste des biens de Charles Ier, dressée après son exécution en 1649. Si la façon dont la Madone Botti a rejoint l’Angleterre reste à confirmer, on suppose qu’il s’agit très probablement d’un cadeau des Médicis à la reine Henriette-Marie, épouse de Charles Ier et fille de Marie de Médicis. Il est fort possible que le tableau ait été exposé dans la chapelle de Somerset House, dessinée par Inigo Jones et achevée en 1636. Lors d’une vente en 1649, le del Sarto est acheté pour 55 livres par Remigius van Leemput, natif d’Anvers et assistant de l’atelier de Van Dyck. Les experts pensent que le tableau a quitté l’Angleterre bien avant la mort de Van Leemput à Londres en 1675. En effet, si on avait su où il se trouvait à la Restauration, en 1660, il aurait probablement été rendu au roi avec une autre œuvre de sa collection acquise par Van Leemput.
Il semblerait que la Madone Botti soit arrivée en Amérique à cette époque dans des circonstances non élucidées. La famille Boothe, à qui elle appartenait jusqu’à une période récente, déclare qu’elle venait de la propriété de leur père, Lawrence Boothe, mort en 1965, qui l’avait lui-même héritée de ses parents.

Un voyage outre-Atlantique ?
On pense que l’œuvre était dans la famille depuis plusieurs générations, sans doute depuis la décision de John Boothe, de Dunham Massey en Angleterre, d’envoyer ses trois fils dans le Massachusetts, dans les années 1650. L’actuel propriétaire, un collectionneur européen, a acquis la prétendue copie de la Madone Botti aux États-Unis en 1997 au prix d’une bonne peinture décorative. Pour sa restauration, la Madone a été confiée à Stephen Gritt de l’Institut Courtauld qui a pris le parti d’éliminer l’ancien vernis et les repeints, datant pour la plupart du XIXe siècle. “Techniquement, déclare-t-il, il est tout à fait logique que ce soit une œuvre tardive de Del Sarto, et c’est une très belle peinture.” La Madone Botti sera exposée pendant un an à l’Institut Courtauld, un lieu particulièrement approprié puisqu’il se trouve dans l’ancien palais de Charles Ier.

- Courtauld Institute of Art, Somerset House, Strand, Londres, tél. 44 207 84 82777, à partir du 13 novembre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°136 du 9 novembre 2001, avec le titre suivant : La Madone retrouvée

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