Patrimoine minier

La Houve en sursis

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2007 - 712 mots

Une association tente de sauver le chevalement du dernier puits de mine français.

CREUTZWALD (Moselle) - Le 1er octobre aurait pu devenir une date tristement symbolique pour le patrimoine minier. Alors qu’à Uckange était inaugurée la mise en lumière du haut-fourneau U4 par le plasticien Claude Lévêque (lire l’encadré), à une cinquantaine de kilomètres de là, à Creutzwald, le chevalement du puits n°4 de La Houve devait vivre ses dernières heures. Un nouveau sursis devait néanmoins lui être accordé. Ultime site minier à avoir cessé son activité en Lorraine, en avril 2004, La Houve doit, en effet, être progressivement démantelée par Charbonnages de France, entreprise qui sera elle-même dissoute le 31 décembre 2007. Une opération de table rase a donc été engagée avec le plein soutien de la municipalité, malgré la mobilisation d’une association locale, « La Houve Demain ». Pour parachever le tout, les démolisseurs devaient s’attaquer, le 16 juillet, au dernier chevalement, structure monumentale qui sert à descendre dans le puits de mine. La nouvelle donne électorale de juin 2007 en aura décidé autrement.

Démolition repoussée
Dès son élection, et conformément à son engagement de campagne, la députée de la 8e circonscription de Moselle, Aurélie Filippetti (PS), s’empare du dossier. Fille d’un ancien mineur, l’ancienne élue de Paris et transfuge des Verts s’est fait connaître en tant qu’écrivain avec des textes consacrés à la mémoire ouvrière. La municipalité de Creutzwald restant arc-boutée sur sa volonté de faire place nette, Aurélie Filippetti écrit début juillet au président de la République et à la ministre de la Culture. Son souhait est d’obtenir une inscription du chevalement à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Les pouvoirs publics décident alors de surseoir à la démolition, repoussée au 1er octobre. Le temps pour les protagonistes de mobiliser l’opinion et de peaufiner un projet de reconversion du site. Depuis 2005, l’association « La Houve Demain » réfléchit à un programme mixte, alliant lieu de mémoire, en association avec le Musée de la mine du Carreau Wendel de Petite-Rosselle, base de loisirs et projet industriel lié aux énergies renouvelables. « À l’exemple de ce qui s’est fait en Allemagne, nous avons lancé l’idée d’installer une centrale solaire et un village d’exposition de maisons écologiques, explique Philippe Clemence, le président de l’association. Notre volonté était d’établir un lien entre énergie du passé et du futur ». Le 20 septembre, un dossier est présenté au sous-préfet, chargé de piloter le groupe de travail, au directeur régional des Affaires culturelles et à un représentant de l’Établissement public foncier lorrain (EPFL), éventuel aménageur du site après le départ de Charbonnages de France. Si Philippe Clemence ne cache pas son optimisme quant à l’obtention d’un nouveau sursis permettant d’affiner le montage du projet, une interrogation subsiste quant à la structure qui assumera la charge financière de l’opération. « L’État pourrait porter ce projet qui est un symbole fort de l’histoire du travail, sujet sur lequel s’est engagé Nicolas Sarkozy », poursuit Philippe Clemence. Contrairement à l’Allemagne et au Luxembourg, la prise de conscience de l’intérêt du patrimoine minier est relativement récente en France. En 2004, le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon confiait à Bertrand Lemoine, spécialiste de la construction métallique, une mission de réflexion sur le sujet, restée sans suites. Les choses semblent pourtant évoluer : les élus du Nord-Pas-de-Calais soutiennent désormais unanimement la candidature du bassin minier de leur région au classement à l’Unesco.

Lévêque fait renaître U4

Fermée depuis 1991, l’usine à fonte d’Uckange construite en 1890 par des investisseurs allemands est, avec sa cheminée culminant à 82 mètres de hauteur, le dernier témoin de la sidérurgie du XXe siècle conservé en France. Après maintes polémiques et menaces de démolition, le haut-fourneau U4 est finalement inscrit en 2001 à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. En 2005, la communauté d’agglomération du Val de Fensch se porte acquéreur et promeut sa reconversion en parc dédié à la mémoire industrielle. Souhaitant créer « un choc visuel », son nouveau propriétaire décide d’initier une commande publique passée au plasticien Claude Lévêque. Inauguré le 1er octobre, « Tous les soleils » consiste en un saisissant embrasement lumineux du haut-fourneau. La vieille usine rouillée est ainsi devenue un objet sculptural. À terme, le parc devrait accueillir d’autres manifestations culturelles. U4, Uckange, ouvert jusqu’au 4 novembre, tlj sauf lundi, 14h-18h30. Visites nocturnes sur inscription. Mise en lumière toute l’année. Tél. 03 82 86 65 30.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°266 du 5 octobre 2007, avec le titre suivant : La Houve en sursis

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