La Fondation Hippocrène

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 13 décembre 2013 - 447 mots

Un homme descend par une pluie battante, à faible allure sur son scooter, la rue du Docteur-Blanche. Les épaules aux oreilles pour contenir les gouttes qui tentent par sa visière de glisser dans son cou, il cherche du regard où laisser sa monture. Il se gare enfin là, tout à fait découvert, sous la bruine de novembre. Aussitôt sur ses pieds, se dégante et relève son col. La tête encastrée dans le reste du corps, il se fait parapluie. Les mains désormais dans les poches, il presse le pas dans la rue revêtue pour gagner la venelle pavée qui fait angle droit. Des plantes sont en débords à l’entrée de la voie, semée sur la façade d’un hôtel particulier, ciselé en damier, vitré et maçonné. L’homme y déplie son cou, laissant à présent sur lui couler la pluie comme au baptême, il se souvient d’Ovide : « La rumeur d’une source nouvelle est parvenue à mes oreilles. […] C’est la raison de mon voyage ; j’ai voulu voir ce fait merveilleux. »

Les eaux nourricières des muses, découvertes par le sabot de Pégase, ont quitté leur lit pour venir ruisseler au cœur du 16e arrondissement, dans cette rue Mallet-Stevens. D’Hippocrène, on ne trouve pas la source à proprement parler, mais une fondation créée par Jean Guyot, compagnon de Schuman et Monnet, irriguant depuis vingt ans toutes espèces de projets pour la jeunesse européenne. Quiconque entreprendra le voyage vers l’orient de Paris ne devra pas être dupé par le panneau qui avise une impasse. C’est au contraire une brèche qui s’ouvre dans la capitale. Large de 7 m et longue de 77, elle a dans ses proportions les qualités pour accueillir les petits et les grands. C’est que l’on gagne à faire les cent pas dans cette allée percée en 1927 « loin du mouvement et du bruit » par Robert Mallet-Stevens.

On y trouve du vœu même de l’auteur un calme réel, la placidité sans la tristesse. Aux premières loges de ce paradis blanc qui résiste à Paris, Hippocrène est logée dans l’ancienne agence de l’architecte moderniste. Invitée cet automne à tirer parti de ce lieu objectivement charmant, la romaine Fondation Giuliani a montré jusqu’en décembre dernier, dans l’exposition « Malgré nos différences », Alexandre Singh, Stefan Brüggemann, Becky Beasley et Nora Schulz, entre autres. Si le numéro 12 a pu si bien les accueillir, c’est que ses espaces – comme toujours, paraît-il, chez Mallet-Stevens – l’ont emporté sur les façades. Heureuse donc la Fondation, qui, à l’instar de l’architecte, monte à Paris des projets d’exception en laissant au fond le soin de dessiner la forme. 

Où ? Fondation Hippocrène, 12, rue Mallet-Stevens, Paris-16e

Comment ?www.fondation-hippocrene.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°664 du 1 janvier 2014, avec le titre suivant : La Fondation Hippocrène

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque