Architecture

En Suisse, des constructions de Le Corbusier s’ouvrent peu à peu aux visiteurs

SUISSE

Peu de réalisations suisses de l’architecte se visitent aujourd’hui. Cela pourrait changer avec l’aménagement du rez-de-chaussée de l’immeuble Clarté à Genève et la mise en vente de la villa Fallet à La Chaux-de-Fonds.

Genève. C’est l’un des deux sites suisses de Le Corbusier inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2016, avec la villa Le Lac sur les bords du Léman : l’immeuble Clarté édifié à Genève, en 1930, d’après les plans de l’architecte suisse, est en passe d’être enfin rendu accessible au public. Bâtiment locatif de neuf étages et cinquante appartements, l’immeuble introduisait les éléments d’une esthétique d’avant-garde à Genève selon le concept des « Cinq points » de l’architecte : pilotis, toit-terrasse, plan libre, façade libre, fenêtre en bandeau.

Près de quatre-vingt-dix ans plus tard, l’immeuble est toujours habité par des propriétaires privés soucieux de préserver et d’entretenir le bâtiment. Parmi eux, certains s’opposèrent néanmoins à la « patrimonialisation » du lieu par la Ville de Genève, qui avait classé l’ensemble monument historique en 1986 et avait racheté deux appartements destinés à la visite du public. L’accès au site restait ainsi encore très réduit pour les visiteurs.

La conciliation entre les intérêts publics et les intérêts privés semble être aujourd’hui trouvée avec l’achat par la Ville du rez-de-chaussée qui accueillera un centre culturel animé par la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD). Le projet se répartit en trois volets : un espace d’exposition, un lieu de documentation autour de l’œuvre architectural et une vitrine d’accueil sur le patrimoine permettant d’avoir un aperçu du bâtiment. La Fondation Clarté, créée en 2017 dans le but de « mettre en valeur et de promouvoir » le site, peut être satisfaite de cet achat, le rez-de-chaussée étant resté vacant après le départ d’un restaurant il y a quelques années – depuis les années 1970, les espaces de commerces prévus par l’architecte au rez-de-chaussée étaient occupés par des restaurants. Deux à trois ans de travaux seront nécessaires pour voir aboutir le projet.

La villa Fallet, dans un style Art nouveau régionaliste

Les admirateurs de l’œuvre de Le Corbusier, longtemps frustrés par un accès limité à ses réalisations en Suisse, peuvent aussi se réjouir après l’annonce, fin août, de la mise en vente de la villa Fallet pour 1,4 million de francs suisses [1,3 M€] par ses propriétaires, à La Chaux-de-Fonds. Cette maison de maître construite en 1906-1907 et décorée par les élèves du cours supérieur de l’école d’art de la ville est l’un des plus beaux exemples du « style sapin », le courant jurassien de l’Art nouveau.

C’est dans cette cité horlogère du Jura suisse – où est né en 1887 l’architecte et qui y a vécu jusqu’en 1917 – que l’on trouve la concentration la plus forte d’œuvres de jeunesse de Le Corbusier avec cinq maisons particulières. Aucune, pourtant, n’est inscrite au patrimoine de l’Unesco – malgré les candidatures répétées de la Ville en 2004 et 2011. Une seule, dite « Maison blanche », que l’architecte a construite en 1912 pour ses parents, est accessible au public depuis 2005, et une autre, la Villa turque, l’est occasionnellement. Pour Edmond Charrière, président de l’Association Maison blanche, qui fait vivre et valorise le lieu depuis 2000, son intérêt patrimonial ne fait pas de doute : « Bien qu’elle soit une œuvre collective, le rôle de l’architecte avait néanmoins été confié à Charles-Édouard Jeanneret. On peut donc considérer la villa Fallet comme la première réalisation architecturale de Le Corbusier. » Il souhaite « que la villa Fallet soit restaurée et ouverte au public, sans préjuger de sa destination et de son exploitation future. L’acquisition par la Ville de La Chaux-de-Fonds et l’aide de l’État et de la Confédération pour sa restauration paraissent être la meilleure voie à suivre pour sa conservation et sa valorisation ».

Mais le Canton de Neuchâtel a déjà déclaré forfait. Interrogé, Alain Ribaux, conseiller d’État chargé de la culture, confirme que « le Canton n’achètera pas la villa Fallet, n’étant pas à même d’assurer son ouverture au public, et ne fera donc vraisemblablement pas usage du droit de préemption que lui confère la loi cantonale sur la sauvegarde du patrimoine ». Une seule lueur d’espoir : « Le Canton pourrait néanmoins, avec l’Office fédéral de la culture, soutenir son achat par un tiers, associatif ou public, qui la destinerait à une mise en valeur publique. » La balle est donc aujourd’hui dans le camp de la Ville pour laquelle cette villa représenterait, selon Alain Ribaux, « une intéressante opportunité de mise en valeur culturelle et touristique ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°575 du 15 octobre 2021, avec le titre suivant : En Suisse, des constructions de Le Corbusier s’ouvrent peu à peu aux visiteurs

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