Espagne - Église

PATRIMOINE CULTUREL

En Espagne, des caméras pour protéger les églises médiévales

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 28 mars 2023 - 816 mots

La province de Soria, la moins peuplée du pays, dans le nord, lance un programme pilote de restauration préventive sur vingt-quatre de ses édifices religieux classés biens d’intérêt culturel.

Église romane San Martin d'Aguilera en Espagne. © Rowanwindwhistler, 2009, CC BY-SA 4.0
Église romane San Martin d'Aguilera en Espagne.
Photo Rowanwindwhistler, 2009

Castille-et-Léon. Les nombreux ermitages et églises de l’époque romane et baroque de la province de Soria (Castille-et-Léon), situés dans des hameaux dépeuplés, souffrent d’importantes dégradations dues aux intempéries et à des pillages répétés. Pour remédier au dépérissement de ces sites patrimoniaux, la Communauté de Castille-et-Léon, en accord avec les communes et le diocèse de Soria, lance un projet pilote de conservation préventive et de sécurisation à distance du patrimoine culturel dans les zones rurales. Ce projet est testé sur vingt-quatre églises et ermitages classés biens d’intérêt culturel (BIC), situés dans des hameaux de moins de cent habitants.

Progressivement, plusieurs édifices religieux se sont retrouvés à l’abandon, faute de prêtres pour s’en occuper, ces derniers étant chargés de multiples paroisses à la fois, parfois jusqu’à cinquante. « La province de Soria s’étend sur 10 300 mètres carrés pour seulement 93 000 habitants, avec une population vieillissante, composée à 40 % d’habitants âgés de plus de 60 ans », explique Carlos de la Casa Martínez, chef du service territorial de la culture et du tourisme de Soria, au Journal des Arts. « Les prêtres n’ont pas le temps de se rendre sur l’ensemble des sites », précise-t-il, soulignant la nécessité d’une sécurisation à distance du patrimoine isolé de la région.

Une protection adaptée à chaque édifice

Parmi les édifices victimes de pillage, l’ermitage de Boós, bourgade de Soria de 28 habitants, a été dépouillé de ses chapiteaux et colonnes romanes il y a quatre ans. Dans l’ermitage de La Mercadera, des linteaux, l’arc d’entrée et la croix d’un portique du XIe siècle ont été volés. Les édifices de Rioseco de Soria (110 habitants) et de Castril, où il n’y a plus d’habitants, ont également été pillés. À Soria, dans l’église de San Juan de Rabanera, une sculpture de saint Antoine datant du XVIIe siècle, haute de 80 centimètres et située dans une niche à l’entrée de l’église, a été volée en janvier dernier avant d’être retrouvée au bout de quelques semaines, non loin, à côté d’une église voisine. Récemment, la garde civile espagnole a également récupéré, en France, deux couronnes du XVIIe siècle qui avaient été volées en 1974 à l’ermitage de Nuestra Señora de los Remedios à Noviercas, une bourgade de 150 habitants. Les pièces avaient été adjugées lors d’une vente aux enchères d’objets historiques.

Afin d’assurer une protection adaptée à chaque édifice, un diagnostic a été réalisé au cas par cas par l’ingénieur Juan Antonio Muñoz Rubio, permettant d’établir dix points principaux sur lesquels il est nécessaire d’agir, le premier d’entre eux étant la lutte contre les intrusions ; l’installation d’un système de vidéosurveillance, pour ce faire, servira aussi pour la protection contre les incendies et la foudre. Viennent ensuite : l’assurance d’une surveillance environnementale (des conditions climatiques) et structurelle des édifices, une vérification et une mise aux normes des installations photovoltaïques et de la tension électrique, basse dans certaines églises, la définition d’une assistance technique et une analyse du service de connexion aux centrales électriques.

Dans une première phase, l’exécution des travaux et l’installation des infrastructures nécessaires serviront à développer un « service de surveillance et d’intégration des technologies numériques » pour les 24 édifices. Le délai prévu est de deux mois et demi. Une deuxième phase verra le développement de « services liés », avec une période d’exécution maximale de quatre ans. L’entreprise qui se chargera des travaux devrait être sélectionnée en juin, pour une mise en œuvre envisagée sur une durée de quinze mois, au terme desquels l’Église et les municipalités devront assurer l’entretien des nouvelles installations.

Parmi les édifices concernés par le programme, le temple roman de San Martín, déclaré BIC en 2015 et situé dans le hameau d’Aguilera, 16 habitants, est constitué d’une galerie à portiques et de chapiteaux ornés de motifs végétaux et animaux. L’ermitage de San Miguel de Gormaz se caractérise, lui, par ses vestiges de peintures murales romanes, datées du XIIe siècle, découvertes sous une partie du stuc qui recouvre l’intérieur de l’édifice. La grande église baroque de San Pedro, à Abanco, conserve pour sa part les reliques des martyrs Gaudino, Bonifacio, Justino et Faustino, données par le pape Clément XI aux fondateurs du temple.

Restauration préventive

Aucune restauration des éléments perdus ou volés n’est prévue par le programme. Son but est uniquement la « restauration préventive, car des travaux de reconstruction et d’amélioration des sites ont déjà été réalisés au cours de la décennie passée », explique Carlos de la Casa Martínez.

Le projet est financé par les fonds européens pour le développement rural, la conservation préventive et la sécurisation du patrimoine, à hauteur de 900 000 euros. Il s’insère, à plus grande échelle, dans les actions liées au processus de numérisation du patrimoine culturel, dans l’objectif d’améliorer sa documentation, sa conservation, sa gestion, sa connaissance et son accessibilité.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : En Espagne, des caméras pour protéger les églises médiévales

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