Italie - Accident - Restauration

MONUMENT HISTORIQUE

Effondrement partiel d’un des symboles de la Rome médiévale

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 21 novembre 2025 - 834 mots

ROME / ITALIE

Une portion de la façade de la Torre dei Conti s’est effondrée à quelques encablures du Colisée, causant le décès d’un ouvrier qui s’est retrouvé piégé à l’intérieur du monument dont la construction remonte au XIIIe siècle.

La Torre dei Conti (La tour des Conti) avant et après l'effondrement partiel de sa façade le 3 novembre 2025 à Rome. © IlMarcheseDelGrillo / Indeciso42, CC BY-SA 4.0
La Torre dei Conti (La tour des Conti) avant et après l'effondrement partiel de sa façade le 3 novembre 2025.

Rome. Vingt ans d’abandon auront suffi à miner la stabilité d’une tour qui s’érigeait fièrement près des forums impériaux et du Colisée depuis une dizaine de siècles. Le 3 novembre, la Torre dei Conti s’est partiellement effondrée lors de travaux de restauration, causant la mort d’un ouvrier. Le début de la construction de ce rare témoignage de la Rome médiévale à nous être parvenu remontait au IXe siècle sur les fondations d’un des temples du forum de la Paix de la cité antique. Mais elle fut véritablement érigée à partir de 1203 par la puissante famille des Conti di Segni, qui donna plusieurs papes à l’Église, dont le plus célèbre fut Innocent III (1198-1216). À l’époque de sa splendeur, le monument dominait la ville par sa hauteur de près de 60 mètres contre 29 actuellement. Rome s’hérisse à l’époque de tours qui symbolisent la puissance féodale des grandes familles nobles. La Torre dei Conti est la plus haute. Plusieurs séismes la dégradent au fil des siècles, particulièrement celui de 1348 qui la rend inhabitable. Le poète Pétrarque ne cesse pas pour autant de l’admirer, la qualifiant de « turris illa toto orbe unica » (tour unique au monde). Après des travaux de restructuration réalisés sous le pape Alexandre VIII à la fin du XVIIe siècle (marqués par la construction de deux contreforts), l’environnement immédiat de la tour a été profondément modifié. L’ouverture de deux grandes artères, la via Cavour (à la fin du XIXe siècle) et la via dei Fori Imperiali sous le fascisme, isolent la tour des bâtiments voisins. En 1937, Mussolini la donne à la Fédération nationale Arditi d’Italia, qui l’occupe jusqu’en 1943. L’année suivante, en 1938, une de ses salles est transformée en mausolée pour le général Alessandro Parisi où les restes reposent toujours, conservés dans un sarcophage romain. Après avoir servi de siège et de bureaux à la Surintendance archéologique de Rome, l’édifice a cessé tout usage administratif au début des années 2000, avant d’être totalement fermé en 2007.

Absence d’entretien

Cet abandon pendant près de deux décennies a provoqué une dégradation importante dénoncée par les spécialistes qui s’alarment alors de problèmes structurels critiques, dus au vieillissement, aux dommages sismiques historiques et, plus récemment, à l’absence d’entretien. Face à cette situation de délabrement, un important plan de requalification est lancé d’une valeur de 6,9 millions d’euros financés par le programme d’investissement Caput Mundi. Avant l’accident, il prévoyait une restauration complète de l’édifice pour le transformer en un centre culturel et muséal accessible au public. Outre la consolidation de la structure endommagée par le temps, la végétation invasive et les actes de vandalisme, la municipalité de Rome souhaitait transformer les espaces intérieurs en lieux d’exposition sur le passé médiéval de la ville ainsi qu’en lieux d’accueil et d’information pour les touristes.

Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes précises de la catastrophe afin d’établir si elle a été provoquée par un défaut structurel non détecté ou une erreur d’exécution pendant les travaux. Le débat est relancé sur l’état de conservation du patrimoine italien et l’exigence d’une expertise technique et de protocoles de sécurité, pas toujours scrupuleusement respectés.

Rome restaure son patrimoine à l’approche du Jubilé 2025  


Le plan Caput Mundi, financé par le plan national de relance et de résilience (PNRR), issu du plan de relance européen dont l’Italie est la principale bénéficiaire, est une initiative de 500 millions d’euros. Son objectif est de rendre l’offre touristique et culturelle de Rome plus compétitive et durable, en améliorant l’accessibilité, la qualité des services, et en soulageant les zones centrales les plus fréquentées par les touristes en vue du Jubilé 2025. Pas moins de 335 interventions ont été inscrites dans le cadre du plan Caput Mundi qui concerne 283 sites archéologiques, culturels et urbains. La municipalité a annoncé avoir respecté les objectifs intermédiaires de l’UE fixés au 31 décembre 2024, notamment celui d’avoir atteint 50 % d’avancement des travaux pour au moins 100 sites inclus dans le plan dont l’échéance a été fixée à l’été 2026. Les sites concernés sont extrêmement diversifiés, allant des monuments majeurs du centre historique aux sites moins connus et aux infrastructures périphériques, mais aussi à 30 parcs et jardins historiques. Parmi les chantiers les plus emblématiques figuraient ainsi les statues des Dioscures du Capitole dont la restauration a été achevée fin mai 2025, mais aussi la restauration de certaines parties de la Villa Borghese toujours en cours, l’aménagement de liaisons piétonnes et d’ascenseurs pour améliorer la visite des Forums de la Paix, de Nerva, d’Auguste et de Trajan ou encore des travaux de restauration et de consolidation des monuments funéraires le long de l’Appia Antica. Sans oublier les fontaines sur les places historiques de Rome : celles de la place Farnèse, de Trevi ou encore des Quatre-Fleuves sur la place Navone.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : Effondrement partiel d’un des symboles de la Rome médiévale

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