Eclectisme à la Japonaise

La collection hétéroclite d’un magnat de l’industrie

Le Journal des Arts

Le 25 septembre 1998 - 466 mots

Le Japon devrait voir débuter cette année le chantier d’un nouveau musée, destiné à accueillir une collection d’art très hétéroclite mais estimée à 4,5 milliards de francs. Situé sur une colline boisée près du mont Fuji, il ne présentera qu’une partie des quelque 10 000 pièces rassemblées depuis plus de quarante ans par un magnat de l’industrie cosmétique nippon.

TOKYO (de notre correspondante) - Tsuneshi Suzuki, 58 ans, président et propriétaire de la Pola Cosmetics Company, a hérité de l’entreprise de son père, également collectionneur, alors qu’il n’avait que 23 ans. La même passion l’a poussé à rassembler des peintures impressionnistes, de la verrerie Art nouveau, des bijoux du Turkménistan, des flacons de parfum et des coffrets de maquillage, mais aussi des céramiques chinoises et japonaises, anciennes ou modernes, des œuvres nippones contemporaines nihonga et des peintures yoga dans le style occidental.

Cet ensemble hétéroclite prendra place dans un musée dont la construction doit débuter cette année. Le fonds des peintures, qui compte 1 680 œuvres, comporte de magnifiques exemples occidentaux – mais aucune œuvre abstraite – et une exceptionnelle collection du célèbre artiste nihonga Yasuji Sugiyama.

Les grands classiques européens de la fin du XIXe siècle et du début du XXe sont présents : Picasso, bien sûr, avec une Maternité de 1921, une mère qui embrasse tendrement le pied de son bébé, et une Maternité au bord de la mer de la période bleue (1902) ; Toulouse Lautrec, avec Au Moulin de la Galette (1891) ; Gauguin et son Chien devant la hutte, Tahiti, (1892) ; une Cathédrale de Monet ; un Nu couché de Modigliani, mais aussi quelques-uns des peintres favoris des Japonais, Foujita, Marie Laurencin ou Renoir.

Un projet fou
Légalement, la collection appartient à une fondation, qui accorde également des bourses aux artistes, finance les projets de recherche des conservateurs et encourage les “relations internationales artistiques”. Cette année, cette fondation consacre près de 100 millions de yen (environ 4,5 millions de francs) aux projets de quarante-trois lauréats. Mais tout cela n’est rien comparé au musée qui, avec un coût de construction estimé 8 milliards de yens (environ 360 millions de francs), est de loin le plus extravagant de tous les projets.

Le lieu choisi étant situé dans le Parc national de Hakone, la majeure partie du bâtiment devra être enterrée – tout comme le nouveau Musée Miho de Kyoto. En outre, la zone étant très exposée aux tremblements de terre, le cabinet d’architectes Nikken Sekkei a dû intégrer au bâtiment les dispositifs antisismiques les plus performants.

Enfin, plusieurs comités écologistes de la région se sont violemment opposés au projet, et aucun accord définitif n’a encore pu être trouvé. La Pola Cosmetics Company espère néanmoins avoir “le feu vert cette année”. Son musée pourrait alors ouvrir ses portes au printemps ou à l’été 2001.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Eclectisme à la Japonaise

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