Maamoun Abdulkarim

Des tunnels explosifs peuvent à tout moment faire sauter un quartier entier d’Alep

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 25 août 2015 - 357 mots

L’Œil Le village de Maaloula, à majorité chrétienne, a été dévasté, et ses icônes détruites… Le patrimoine chrétien est-il plus spécifiquement menacé ?
Maamoun Abdulkarim
Je ne le pense pas. Les Syriens sont profondément attachés à leurs racines, et elles sont aussi chrétiennes. Les communautés locales se mobilisent pour le protéger, comme à Idleb où les musulmans ont protégé les églises byzantines contre les mafieux. Mais elles doivent être fortes. À Maaloula, hélas, les églises ont refusé de nous confier leurs icônes pour ne pas alerter la population. Mais à Yabroud, nous avons pu en sauver 90, qui sont aujourd’hui en lieu sûr à Damas…

Pouvez-vous aujourd’hui être optimiste pour le patrimoine syrien ?
Cela m’est difficile. Il ne se passe pas une journée sans qu’on nous rapporte une mauvaise nouvelle. Je suis aussi particulièrement préoccupé par Alep. Des tunnels explosifs creusés sous la ville peuvent à tout moment faire sauter un quartier entier… Pourtant, plus encore que les destructions, ce sont sans doute les pillages de sites et les fouilles clandestines qui m’inquiètent. On pourra restaurer Alep. Mais un site comme la cité mésopotamienne de Mari, qui remonte au IIIe millénaire, risque d’être perdu à tout jamais s’il est pillé… même si un tiers de ses trésors sont aujourd’hui à l’abri à Damas.
À Palmyre, les islamistes s’imaginent que deux tonnes d’or sont cachées dans le site antique : qu’ont-ils en tête ? Heureusement, nous avons évacué les œuvres de son musée vers la capitale. Tant que Damas est au bout, tant qu’il n’y a qu’une seule direction des Antiquités, on peut donc garder un certain espoir, malgré les difficultés.

Comment avez-vous réussi à maintenir une unité parmi les Syriens autour de la culture ?
La direction des antiquités et des musées travaille de façon scientifique, loin de la politique. Nous versons les salaires, même aux fonctionnaires des régions sous contrôle de l’opposition, pour rester unifiés. Nous n’avons pas le droit de contacter les rebelles, mais nous agissons à travers les membres de notre équipe, implantés dans les communautés locales pour la préservation de ce patrimoine commun, qui appartient à tous les Syriens et, au-delà, à l’humanité entière.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°682 du 1 septembre 2015, avec le titre suivant : Des tunnels explosifs peuvent à tout moment faire sauter un quartier entier d’Alep

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