Art contemporain

Demeure princière pour le Guggenheim

Le Journal des Arts

Le 10 juin 2005 - 738 mots

Le musée new-yorkais vient d’acquérir une maison dans l’État de New York. Richard Prince, son ancien propriétaire, y a réalisé une vaste installation.

 NEW YORK - Le Guggenheim Museum vient d’acquérir une bâtisse délabrée sur un seul niveau au nord de l’État de New York auprès de l’artiste Richard Prince, qui a consacré trois années à transformer ce quatre-pièces avec garage en une installation intitulée « Second House ». Le lieu comprend onze sculptures constituées de capots de voiture et d’autres objets de récupération comme des chaînes en plastique distribuées dans les stations-service, un T-shirt sérigraphié, une photographie du chanteur punk Sid Vicious ou un collier fait de bouts de pain. Désormais propriété du Guggenheim, « Second House » devait ouvrir ses portes au public ce mois-ci.
Richard Prince, 56 ans, a quitté Manhattan pour le nord de l’État il y a environ huit ans avec sa femme et ses deux enfants ; c’est en 2001 qu’il a acheté ce bâtiment abandonné au sommet d’une colline, une ancienne hutte de chasse seulement couverte d’un isolant métallisé.
La maison est située à proximité du domicile et de l’atelier de l’artiste à Rensselaerville, dans les Catskills, une zone rurale pauvre du comté d’Albany, à l’ouest de l’Hudson, est à environ trois heures de route au nord de Manhattan.
Selon la directrice adjointe et conservatrice en chef du Guggenheim, Lisa Dennison, c’est au cours de l’été dernier que la galeriste de l’artiste Barbara Gladstone a approché le musée pour savoir s’il serait intéressé par l’acquisition du bâtiment et de son contenu en vue de l’ouvrir au public. « Nous avons pensé que c’était une occasion intéressante d’enrichir nos collections », commente Lisa Dennison, en rappelant que le musée ne possédait qu’une seule peinture, de la série des « Joke », de l’artiste, malgré la demande croissante pour ses toiles, dont deux ont été adjugées plus de 650 000 dollars (518 000 euros) chacune en vente publique en 2004.

Archétypes américains
Avec Barbara Gladstone, la conservatrice a mis sur pied une structure permettant à un consortium de cinq administrateurs du Guggenheim et de cinq collectionneurs de l’œuvre de Prince de s’engager à acquérir, chacun pour une somme identique, l’un des capots de voiture, par l’intermédiaire de la galerie avant de le rétrocéder dans dix ans au Guggenheim.
De son côté, l’artiste a fait don de la bâtisse et des autres œuvres qu’elle renferme (à côté des dix capots offerts par les donateurs, le onzième est offert par Prince lui-même), ainsi que des 40 hectares environnants. Les dix donateurs, dont les noms n’ont pas été révélés, ont également procuré des fonds nécessaires à la restauration du bâtiment et lui permettre d’accueillir des visiteurs pendant cinq mois de l’année. Le bâtiment étant dépourvu de chauffage, il restera fermé tout l’hiver, période durant laquelle les donateurs pourront conserver chez eux les œuvres qu’ils ont acquises.
« Ces collectionneurs cherchent moins à détenir une œuvre de Richard qu’à soutenir sa vision artistique », souligne Lisa Dennison, qui relève que la plupart des travaux de Prince, notamment une suite de photographies réalisées dans les années 1990, ont été inspirés par le nord de l’État de New York. « Ce n’est pas sans rapport avec Marfa », ajoute-t-elle, faisant ici allusion à la ville du Texas où Donald Judd a organisé une présentation très maîtrisée de son œuvre.
« Dans l’esprit de Richard, c’est le cadre idéal pour contempler ses œuvres, et c’est ce que nous tentons de préserver. » La bâtisse sera ouverte le samedi et sur rendez-vous la semaine, mais, si la demande s’accroît, le musée étendra ses jours et heures d’ouverture. La directrice adjointe affirme aussi que le Guggenheim l’exploitera exactement selon le vœu de Prince, c’est-à-dire comme une installation restant en place au moins dix ans, période à l’issue de laquelle il faudra décider en accord avec l’artiste si le bâtiment doit être vendu et si les œuvres d’art qu’il abrite doivent rejoindre les collections du Guggenheim.
Lisa Dennison présente Prince comme « l’un des artistes les plus novateurs et marquants de notre époque ». Selon elle, ses capots de voiture jettent un pont entre la peinture et la sculpture, et ils évoquent la jeunesse, la vitesse et le danger en même temps que la population du nord de l’État de New York. « Ce sont des archétypes d’images américaines, tout comme les cow-boys machos mis en scène pour les publicités Marlboro », conclue-t-elle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°217 du 10 juin 2005, avec le titre suivant : Demeure princière pour le Guggenheim

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque